J’étais encore sous le choc de la disparition de @Billie Anderson , une des personnes sur qui je comptais, une des rares personnes à Hawkins en qui j’avais vraiment eu confiance. Je savais qu’elle n’avait pas pu disparaître sans me prévenir, j’avais beau flipper constamment d’être abandonnée par les gens que j’aime, je savez qu’elle serait différente, et ça rendait sa disparition mille fois plus étrange. C’était principalement pour elle que j’étais là, mais le nombre de disparus était si révoltant que je ne pouvais ignorer la marche.

Un groupe de jeunes de mon âge semblaient cependant bien moins choqués par les événements actuels ; La grande tête blonde de  @Lou McCormick et de son petit groupe de suiveurs m’irritait au plus haut point, n’y avait il donc aucune once de respect dans les crânes de ces petites célébrités de couloirs ? Je les regardais d’un air déconcerté, froissée par leur audace. J’observais leur chamailleries avec @Charlotte Austin et @Stephen Jefferson d’un œil méfiant quand un cri strident alarma toute l’assemblée.

Je sursautais évidemment, d’abord au cri, puis dans la seconde qui suivis, au pied d’un homme qui écrasait le mien. ( @Billy McCarty ) Je réussis difficilement à retenir un glapissement de douleur alors qu’il s’excusa aussi vite. Son visage me disait vaguement quelque chose mais je n’aurais pas su mettre un nom dessus ; C’était curieusement rassurant de voir un regard aussi inquiet que le mien, quelqu’un qui avait la décence d’avoir peur face à la situation. Ses paroles me mettaient déjà plus à l’aise et je retenais un sourire moqueur à ses mots sur le groupe de stars, mais ça n’allait pas me faire oublier le mouvement soudain autour de nous et ce terrible cri. Alors, je sortis précipitamment une lampe torche de mon sac à dos, pour la diriger un peu partout, la main tremblante, la peur me tordant le ventre à m’en donner la nausée. Prions pour que ce cri ne soit pas celui de Billie.

Après quelques pas en avant, je m’arrêtais pour tenter d’écouter plus en détail les bruits de la forêt mais rien de plus alarmant. Je plaçais mon doigt devant ma bouche dans un geste furtif en direction de @Billy McCarty , le chut murmuré du bout des lèvres. Bon, c’était un adulte et j’étais sensé être plus respectueuse que ça mais avec le stress des disparitions, et ce hurlement en prime, disons que ça pourrait être pris pour de la maladresse, mais il posait trop de questions et je ne savais comment lui répondre, oui je cherchais bien quelqu’un mais... Est-ce que seulement il pourrait comprendre l’angoisse que je ressentais en ce moment à l’idée que ce puisse être quelqu’un que je connaissais ? Lorsqu’il me demanda si j’avais une autre lampe cependant je me trouvais obligée de nier de la tête. Mais en même temps, qui se baladerait avec deux lampes torches ?

Je la secouais en direction des arbres en face de moi, rien. Alors je déplaçais son faisceau plus à droite, le faisant tomber droit dans les yeux de @Seth Lindvall et @Lou McCormick  Je baissais promptement la lumière en grinçant des dents, merde j’allais me faire remarquer par le groupe des populaires, il manquait plus que ça pour rendre la soirée encore plus désagréable. Je soufflais un “désolé” accompagné d’un sourire aussi faux que l’hypocrisie de leur leader qui enfumait l’air, puis retournait promptement son faisceau vers les arbres en face de moi espérant ne pas m’être mis dans leur viseur.

Jim Hopper, ancien shérif et actuel garde forestier, explique les consignes à suivre pour la marche de soutien. L’actuel shérif se tient non loin de lui, son adjoint River King, flanqué à ses basques. Les habitants sont venus nombreux et les ouvriers du chantier en dehors de la ville se sont joints au mouvement. Ils pensent tous venir pour aider à l’enquête. Et c’est le cas d’une certaine manière. Mais tandis que les résidents de Hawkins font fouiller la forêt, ils vont être observés, scrutés et analysés par les policiers. Le ou les coupable(s) se trouvent sans doute parmi eux. Parmi les visages graves et concentrés se glisse peut-être, au mieux un kidnappeur redoutable, au pire un terrible tueur en série. Cette terrifiante éventualité fait frissonner le jeune homme dans son blouson de cuir. Mais ils ne peuvent pas être morts. Il sait que c’est une possibilité qui ne doit pas être écartée de l’enquête mais il ne peut pas y croire, il ne veut pas y croire parce qu’alors cela voudrait dire que Brina… Et ça c’est hors de question. Les groupes se forment et partent dans des directions différentes. Les membres des forces de l’ordre échangent un regard entendu et se dispersent. River suit les instructions du shérif, il cherche des indices, non pas dans les bois mais sur les visages des participants, cherchant quelque chose dans leur expression, leur attitude, leurs paroles qui pourrait éventuellement leur ouvrir une nouvelle piste. Il repense à cette conférence sur les sciences comportementales à Indianapolis, du temps où il officiait là-bas. À ces deux types de l’Unité d'Analyse Comportementale du FBI et aux diapositives qui défilaient dans la salle de réunion plongée dans la pénombre. Le serial killer. Le mobile n’est pas l’appât du gain, la vengeance, le fanatisme ou une idéologie quelconque, mais la réalisation de fantasmes. Il ressemble à n’importe qui, avoir une apparence des plus banales ou au contraire un certain charisme. Il est souvent insoupçonnable. Comment aurait-on pu se méfier du séduisant Ted Bundy feignant d’être blessé ? D’Edmund Kemper et de son allure de bon gros géant ? Ou de Dean Candy Man Corll qui l’on surnommait ainsi car il donnait gratuitement des bonbons aux enfants ?

Nouveau frisson. Ce n’est pas le froid, ce n’est pas l’idée qu’un meurtrier se promène en liberté, ce ne sont pas les possibles sévices infligés aux disparus, c’est autre chose… La chair de poule, les petits cheveux dans la nuque qui se redressent, la tension dans les muscles. La sensation désagréable d’être observé. Pas par quelqu’un de l’autre côté d’un comptoir, mais par quelque chose, qui plus est quelque chose de dangereux. River balaie les environs avec sa lampe. Il scrute l’obscurité, les formes sylvestres déformées rendues menaçantes par le jeu d’ombre et de lumière. Ce n’est rien. C’est juste son imagination, l’inquiétude qui le ronge, le manque de sommeil et cette enquête qui tourne en rond, qui n’avance pas depuis plusieurs mois tandis que le nombre de photos augmente sur le panneau blanc. Des visages et des noms, encore et encore et rien d’autre. Pas de suspects, pas d’indices. La thèse de la fugue ne tient plus la route depuis longtemps. Blâmer le laboratoire est sans fondement. Les rumeurs les plus ridicules circulent depuis sa mise en service. L’impossibilité de savoir ce que renferme les lieux engendre les théories les plus farfelues. Un ami qui connait untel qui connait quelqu’un qui affirme avoir vu ou entendu des choses. Mouais des sources fiables pour sûr. Ils ne savent même pas ce qui se trame dans l’arrière-boutique de la boucherie mais par contre ils jureraient leurs grands dieux qu’ils ont entendu un cri inhumain venant du laboratoire. Non ce n’est pas rien. Il y a bien quelque chose. Shit ! Une forme indistincte à travers les arbres, qui semble se déplacer autour d’eux. Plutôt grande et apparemment quadrupède. Un animal nocturne ? Peut-être un ours noir ? D’ordinaire on en trouve de l’autre côté des lacs mais ce ne serait pas la première fois qu’un spécimen s’aventurerait plus loin dans la région. Quoiqu’il en soit il vaut mieux discrètement éloigner les civils de la zone pour les protéger. River prend sa talkie et … rien… silence… Pourtant il est persuadé de l’avoir rechargé. Il soupire. Pas un collègue à portée de vue. Et il ne faut pas qu’il quitte son périmètre. Réfléchis ! Je veux une cigarette. Non réfléchis à autre chose ! Une agitation suspecte attire son attention à quelques mètres de sa position et trop proche du dernier endroit où il a aperçu la forme suspecte pour le rassurer. La voix de son supérieur lui parvient, lointaine. Alors il l’appelle à pleins poumons. « Shérif ! »

Si ça ne s’appelle pas avoir la poisse, il ne sait pas ce que c’est. Déjà parce, petit un, il appelle le shérif et ce n’est pas le shérif qui vient. Merde ! Petit deux, il y a au moins une dizaine de volontaires qui accourt dans sa direction. Des lycéens majoritairement. Il aperçoit Seth dans le groupe et lui adresse un signe de la tête. Il préférerait le savoir en sécurité à la maison. Bordel ! Et petit trois, Billy est parmi eux et automatiquement la voix de Cilla Black se met à chanter passionnément « You're my world, you are my night and daaaay ! » dans sa tête, et son palpitant menace de lui broyer la cage thoracique et ses yeux se meurent d’amour. Ses doigts s’agitent dans un petit salut. Eeeeeet c’est pas le moment ! Putain ! Qu’est-ce qu’il ne donnerait pas pour s’en griller une, là, maintenant, tout de suite. Sentir la nicotine circuler jusqu’au bout de ses doigts. Faire une pause, juste une petite pause. Et voilà toute la troupe qui s’amène, lampes torches braquées dans tous les sens et ça va être à lui de gérer ce bazar. Il inspire brusquement, se pince les lèvres et passe la main dans ses cheveux. Concentrons-nous sur le plus important. Les éloigner de la zone sans les inquiéter. « Qu’est-ce vous venez tous faire ici ? C’est une fausse alerte, tout va bien. Vous pouvez repartir.» Son regard s’attarde plus longuement sur Seth puis sur Billy. Faîtes-moi confiance. essaie-t-il de leur faire comprendre. Puis il rajoute la phrase qu’il a sans doute répété le plus durant sa courte carrière. « Allez circulez, y a rien à voir. »