A la nuit tombée - le 1er juillet 1984

Nori n'a visiblement pas choisi les bonnes chaussures, mais ça lui permet de parfaire son vocabulaire. À chaque fois que ses talons s'enfoncent dans la boue, elle lâche un juron. Sautillant rapidement, poussant quelques personnes pour passer devant sans prendre la peine de s'excuser, ni même se gêner, elle arrive finalement à choper le bras de @Lou McCormick et lâcher un lourd soupir.  "Il y a vraiment que ce village de ploucs pour appeler un truc aussi immarchable une putain de marche." dit-elle sans prendre la politesse de baisser le son de sa voix. D'un geste de la main, elle balaie ses cheveux blonds, fouettant possiblement le visage de quelqu'un sans s'en préoccuper. "Franchement ils s'inventent vraiment des problèmes ici, ils se sont juste barrés vivre la belle vie ailleurs, qu'est-ce que ça a de si étonnant ? D'autant qu'il y a des problèmes plus important. Genre mes chaussures complètement ruinées." dit-elle en ajoutant un long râle bien dramatique pour appuyer son point.

ㅤㅤㅤle premier juillet mille neuf cent quatre-vingt deux, une superbe chrysler, impeccable et flambant neuf, du modèle imperial "le baron" troisième génération de mille neuf cent soixante douze, noire sombre, se pavanait, sillonnant les routes de l'est, à travers les fédérés, les phares allumés. cette berline, splendide et distinguée, s'était illustrée au cours de la seconde moitié de notre siècle par ses contours raffinés et par sa réputation affinée, soigneusement mise en scène pour seoir à la notoriété de son designer le plus célèbre ━ un certain virgil max ex exner, aussi dit virgil exner pour amputer son patronyme trop long à écorcher ━ et lui valut un temps les sobriquets les plus dithyrambiques de ses années, oscillant entre "the incomparable imperial" et "the finest car america has yet produced!" ━ en quelques termes, des éloges exceptionnels qui, durant le règne de chrysler, marquèrent les esprits face à l'éclaboussante classe et la ravissante sobriété du baron noir qui paradait.
ㅤㅤㅤlà, pourtant, n'était le sujet. ce qui nous intéressait, curieusement, ne se trouvait, contre toute attente, non pas en la silhouette de la voiturette ━ aussi charmante pouvait elle être, mais bien dans celui qui, ici là, la conduisait. assis lassement dans son siège, un homme proche de la trentaine, les sourcils froncés, disposait, tout solennel, dans une main le volant du véhicule qui dirigeait, dans l'autre une cassette d'enregistrement miniature qu'il, fermement, entre ses doigts, tenait. la voix grave et l'air sérieux, il semblait n'avoir, au vu des cernes ostensibles qui, sous ses yeux, s'étaient invitées, que trop peu dormi, et, épuisé, paraissait de l'extérieur déjà vidé de toute l'énergie qui l'occupait au moment de passer le large panneau de bois qui l'accueillait aux lettres capitales qui le saluaient, à base de "welcome" gigantesque, qu'il ne put, comme chacun de ses faits et gestes, s'empêcher de commenter.
ㅤㅤㅤ━━━ㅤhawkins. ville du midwest. située dans le comté de roane, indiana. trente mille habitants. et pas un chat dans les ruelles. l'agitation semble plus loin. copy. vous me recevez ? ah oui. je n'ai personne à qui parler. autant pour moi, c'est vrai. j'avais fini par l'oublier. rien de nouveau sous le soleil, alors. over.
ㅤㅤㅤcet inconnu qui roulait dans cette chrysler imperial baron d'une désuette édition s'appelait luther. et si c'était la première fois que l'on l'observait débouler, ça n'était certainement pas la dernière fois, au contraire, que l'on le verrait. au grand dam de ses plus coupables suspects, le nouvel arrivé se révélait aussi acharné que ne pouvait l'être n'importe quel homme déterminé. alors, jusqu'à ce qu'il débusque le responsable de ses disparitions inexpliquées, luther, alan gale ou n'importe laquelle de ses identités cachées, se promettait de rester pour tirer au clair ces tragiques affaires.
ㅤㅤㅤet puis au loin, sans qu'il n'eût à prier, une foule immense se dégageait.
ㅤㅤㅤla chasse, enfin, venait d'être lancée.

A la nuit tombée - le 1er juillet 1984

Le loser en chef d'Hawkins ne tarda pas à faire son entrée, tandis que je m'étais adressé à son camarade de mésaventure, le grand frère Foster... Je m'étais tourné nonchalamment face au trouble-fête, lorgnant rapidement le jeune @Stephen Jefferson de haut en bas avant de lui offrir un magnifique sourire empli de miellerie purulente... Voilà le genre d'énergumène incapable de se plier aux convenances qu'il incombait à la popularité... Stephen était un paria parmi les rois, et l'image d'une telle abomination dans les rangs que je côtoyais me donnait la nausée. J'avais néanmoins tâché d'esquisser le plus beau des sourires, comme je l'aurais affiché face à mon meilleur ami, ne prenant pas réellement la peine d'écouter ses paroles.

La véritable tête couronnée du bal fit à son tour son entrée avec la grâce d'une reine des abeilles, se pavanant dans ses vêtements outrageusement stylés en total décalage avec la crasse omniprésente d'Hawkins... @Nori Rom Dane eut droit à mon regard le plus ensoleillé dès son arrivée à la marche de soutien. C'est avec fracas que l'extravagante fashionista déballa son manque cruel de tact en ce qui concernait ses ressentis face aux habitants de notre petite ville... Je n'avais pu retenir un léger gloussement face à ses mots, me raclant légèrement la gorge avant de poursuivre :

« 'Whassup sista ! Chill enfin ! Cette marche est très importante pour beaucoup d'personne tu sais.. For real, essayons d'pas émettre de jugement sur leur mal, homie ! » Je m'étais appliqué à parler distinctement et d'une voix assez forte afin d'être entendu de mes camarades les plus proches... Jetant quelques regards ci et là afin de m'assurer avoir "réparé" les propos de Nori, je me rapprochai de la reine des abeilles en baissant fortement le ton :
« 'Fucking hell, qu'ils aillent chialer ailleurs... J'vais me tirer une balle si j'reste une s'maine de plus dans ce trou à rats... Legit, tes chaussures me font plus de peine que ces rednecks... »

A la nuit tombée - le 1er juillet 1984

Est-ce que si elle en pousse un ou deux dans le fossé ça va se remarquer ? Circe a quelques doutes alors qu'elle marche derrière une bande de crétins, les mains enfoncées dans son sweat et son casque enfoncé sur ses oreilles, en vérité si sa mère ne l'aurait pas poussé à sortir ce soir elle se retrouverait même pas là. Elle a été virée de la maison parce que sa mère voulait passer du temps avec son beau-père et juste ew. Nonchalamment ça claque dans l'air finalement, sa bulle de chewing-gum qui éclate sans aucune discrétion. Ca lui tire des regards outrés auxquels elle répond par un sourire hypocrite et son majeur levé. Quel trou à rats, bordel. Et puis y a une voix plus forte que tout, qui passe même par-dessus sa musique et Circe ralentit le pas soudainement en retirant son casque pour voir @Nori Rom Dane, accrochée au bras de @Lou McCormick, et c'est bon, la déesse se calme un peu, ralentissant totalement pour les attendre et elle leur glisse un sourire quand ils arrivent à sa hauteur. "Yo," elle lâche, l'air un peu distraite quand même, elle a compris qu'il y avait un problème avec les chaussures de Nori, en même temps elle est là comme si elle foulait les runways new-yorkais. "On se fait pas un peu chier aussi ? Désolée pour tes chaussures Nori, mais ça veux dire séance shopping demain pour aller les rempla- ah merde." Elle marmonne alors que sa basket à elle vient de marcher sur l'arrière de la chaussure de @Luyen Nguyen, en même temps ils sont serrés comme des sardines là, et elle flash un sourire qu'elle tente le moins hypocrite possible. "Désolée, apparemment on vient tous niquer nos chaussures ici. Viens Lou, je t'écrases le bout des orteils aussi pour voir." Elle roucoule dans la direction du californien avec un clin d'oeil, elles sont insupportables tes copines Lou, tu devrais peut-être changer.

A la nuit tombée - le 1er juillet 1984

T'as entendu parler de la marche de soutien aux gens portés disparus. Au début t'as clairement et ouvertement dit que tu boycotterais l'évènement. Parce que pour toi, les gens ne sont qu'une bande de foutus hypocrites sans gêne qui ne s'inquiètent du sort de ces jeunes que maintenant qu'ils ne sont plus là. C'est vrai quoi! Il a fallut qu'on s'inquiète de leur sort pour montrer qu'on en avait quelque chose à foutre. Et puis t'as entendu que @Opal Fairchild allait y participer. Alors tu savais pas vraiment quoi faire. Il fallait garder les apparences et affirmer à tes potes que t'irais pas parce que ça te faisait clairement chier. Mais au final, au dernier moment, tu as empoigné la lampe torche de ton père, et puis sous le regard appréciateur de ta mère, tu sors équipée de ton perfecto, d'une écharpe et d'un bonnet bien fiché sur la tête.

Il ne te faut pas longtemps pour retrouver les villageois amassés ensemble. Et sans en avoir l'air, tu jettes des œillades par-ci par-là pour tenter de localiser la brune. Lorsque c'est chose faite, tu sens ton cœur qui manque un battement parce que c'est toujours à ce moment que la personne vous retourne votre regard. Et comme une pauvre nouille, tu baisses les yeux à la vitesse de l'éclair, persuadée qu'elle n'aura rien remarqué. Faux.
Tu enfonces ta tête entre tes épaules, et tu prends ta mine la plus renfrognée l'air de bougonner toute seule.

A la nuit tombée - le 1er juillet 1984

Face à l'hypocrisie de @Lou McCormick, Nori ne s'empêche de rouler les yeux en étouffant un petit rire. Les deux diables rapidement rejoint par le reste du crew, une occasion de plus de sortir le grand rôle de dramaqueen écrit pour la blonde. Soufflant fort à l'arrivée de  @Circe Burgess avant d'entourer les épaules de cette dernière par son bras libre, poussant un son plaintif.
"C'est tragique babe, si ça continue comme ça je vais me casser une cheville. Et ça, ça ça mériterait que le monde s'arrête de vivre et marche dans les bois en pleine nuit pour retrouver mon talon." qu'elle continue son monologue avant de se stopper. Shopping, le mot magique, le sourire s'installe enfin sur son visage et lance des regards excités à Lou, puis à Circe.  @Seth Lindvall pointe le bout de son nez et si elle ne peut pas se contorsioner pour lui offrir le même smile, elle lui donne une tapette sur la tête. "Lindvall!" dit-elle d'un coup en se jetant en avant d'un bon soudain afin quelle puisse parler à sa bande de face, mais déstabilisée à cause de ses chaussures profondément enfoncées dans la terre, elle manque de trébucher, se raccrochant à  @Luyen Nguyen (qui la pauvre n'a rien demandé à personne). La blonde lui flash un sourire rapide avant de prendre la pose comme si de rien n'était. "T'as raison, une fête pour les morts." avec tout son tact légendaire. "Bon évidemment avant on ira embêter le sexy frère de Circe, parce qu'un jour n'est pas un bon jour si on n'a rien à se mettre." déjà elle s'imagine habillée et son sourire ne se fait que plus large. Peut-être aussi légèrement effrayant. "On pourra mettre en place un dress code, genre médiéval féerique. Il y a des tas de maisons abandonnées, on aura qu'à choisir la plus flippante pour effrayer ces pauvres bouseux du lycée. No offense" qu'elle ajoute en croisant le regard de quelques camarades, un faux sourire aux lèvres. "Puis avec de l'alcool on a plus de chance de connaître les potins de la ville, pas vrai ? Il y a forcément quelqu'un qui sait quelque chose." elle hausse un sourcil complice, surtout à Seth qui sera forcément partant. Si quelque chose s'est réellement passé ici, quelqu'un doit le savoir et l'alcool a toujours eu don de délier les langues... Plus que les marches dans le noir.