J’aimais ma mère plus que tout. J’ai toujours su qu’elle connaissait ma différence même si on avait jamais eu le temps d’en parler. Lorsque j’avais 11 ans, elle est morte dans un accident de voiture alors que j’étais à l’arrière, à la sortie de la ville. Je ne saurais jamais où elle comptait m’emmener. Mon père ne s’en est jamais vraiment remis, et à mes 18 ans, après des années à m’ignorer royalement et me laisser vivre mon adolescence et ses déboires entièrement seul, il a fait ses bagages et a disparu, parti pour un endroit meilleur avec sa nouvelle femme. Je suppose qu’il aspirait à une vie normale, hors d’ici, en essayant d’oublier les horreurs du passé. Je ne pouvais pas passer à autre chose comme lui, le décès de ma mère était toujours gravé en moi. Mon adolescence a été une suite d’évènements tout aussi peu joyeux. Nombreux ont été les coups, les insultes, les crachats et les regards médisants. Une fois je m’étais demandé comment je faisais pour être encore en vie, alors qu’on m’avait laissé pour mort derrière le lycée. Des années plus tard, je n’oublie toujours pas les visages haineux qui m’ont torturé.

Parfois, il y avait ses flashs, ses moments étranges où le monde semblait plongé dans un avenir plus sombre. Je sentais l'air froid, une odeur de cendres, puis en un clignement des yeux, j'étais de retour dans le monde réel. Cet ailleurs, cet enfer était comme un cauchemar qui me suivait et me glaçais le sang dès que j'y pensais. Et à côté, les horreurs du monde réel me semblaient dérisoires.

Mon travail à la salle d'arcade était comme une bulle d'oxygène, j'aimais travailler là bas, m'occuper des machines et surtout me sentir accepté. J'avais rarement des problèmes dans cet endroit, et je pouvais enchaîner les heures supp’ sans râler, j'adorais être entourés d'autres gens considérés comme un peu bizarres, et les lumières artificielles étaient rassurantes.

Mon chez moi, c'était ce vieux mobil home délabré, troué de partout mais suffisant. La seule chose que j'y détestais, c'était l'impression de ne jamais y être en sécurité, j'avais l'impression de pouvoir partir dans un autre monde à n'importe quel moment, et c'était souvent ce qui arrivait. Alors j'exécrais y passer trop de temps.