Une enfant non-voulue. C’est une réalité que sa mère n’a fait que lui répéter lorsqu’elle était gamine. La rousse est née d’un déni de grossesse, alors que Tilly était au top de sa carrière au conservatoire de Chicago. Cette-même carrière abandonnée abruptement pour s’occuper d’un bébé ensuite, alors que le géniteur n’a jamais pris le temps de reconnaître son implication de cette histoire. Elle a ressenti les regrets de sa mère en grandissant, Fauve, sans les comprendre tout de suite de ses yeux d’enfant. Il y avait les regards de colère, transformés au fil du temps en indifférence, et les remarques amères qui laissaient sous-entendre tout ce qu’elle aurait pu faire si la gamine n’était jamais venue au monde. Et elle a dû faire avec, Fauve, en grandissant dans une ville où personne ne pouvait atteindre la réputation de sa mère. Personne, sauf elle.

Pendant un temps, elle était heureuse. Sa mère la regardait encore en gardant ses problèmes pour elle, l’argent n’était pas au coeur de leur vie de famille, et elle avait de quoi s’occuper pour s’épanouir en dehors de l’école. Elle a trouvé un refuge dans la danse classique, dans cette rigueur imposée que sa mère avait dompté avant elle. Et elle avait du talent, Fauve, elle se débrouillait aussi bien qu’une gamine remplie de rêves pouvait l’être. Elle se voyait à l’opéra un jour, dans le rôle principal du lac des cygnes, devant un public comblé. Tout simplement. Elle a été rattrapée par la réalité assez vite, quand sa mère a commencé à accumuler les factures dans un coin de leur salon. Elles ont perdu la maison dans laquelle elles habitaient à cause d’impayés, elles ont commencé à manger moins au point de sentir la faim ne pas disparaitre après leurs repas. Et elle a tenu un temps, Fauve, elle a fermé les yeux en faisant semblant de ressentir les manques de moyens; mais elle a dû se faire une raison assez vite lorsque ses professeurs de danse lui ont fait comprendre qu’elle n’avait plus sa place dans leurs cours. Un talent qui lui a été arraché à cause de sa mère. Une belle revanche sans doute, et une ironie cruelle avant tout.

La colère. Le sentiment l’a envahi progressivement, dès l’instant où elle n’avait plus d’occupations pour ignorer les problèmes de sa mère. Elle lui a hurlé dessus plus d’une fois pour des raisons diverses et variées. Elle détestait son laxisme, son manque de prise en main pour se trouver un job, sa passion soudaine pour la boisson et autre mélange qu’elle consommait, ce foutu mobile-home qu’elle avait préféré appeler maison plutôt que demander de l’aide à sa famille. Elle est devenue ingrate apparemment, Fauve, elle en demandait trop à l’adulte. Alors elle s’est prise en main elle-même en s’écartant des gamins de son âge au final, et elle a continué sa vie en informant sa mère du strict minimum. Elle a trouvé un nouveau refuge dans le cimetière, dans les bouquins de Stephen King et Mary Shelley qu’elle lisait. Un nouveau refuge, qui lui a aussi permis de trouver Ozzy de manière évidente. Une amitié naturelle qui s’est formée au détour des tombes, sans qu’elle n’ait besoin d’émettre le moindre son pour se faire comprendre. Et ça faisait du bien, ça changeait de ces autres imbéciles du lycée qu’elle détestait depuis gamine. Une bouffée de fraîcheur trouvée dans une atmosphère de mort, et qui lui a probablement sauvé la vie.

L’intensité de ses émotions n’est jamais partie. Elle a tout gardé en elle pendant un temps, Fauve, avant de ne plus pouvoir se contenir. Une rébellion adolescente selon certains, et juste l’atteinte d’un point de non-retour pour elle. Les cris et les larmes ont dépassé le cadre privé du mobile-home, elle les a emmenés au collège puis au lycée en venant lever son majeur haut et fort à chaque occasion. Elle a commencé à ne plus aller aux cours qui l’emmerdaient en écrivant des mots d’excuse elle-même, elle a maudit les bullies qui gâchaient ses dessins et qui la trouvaient incapable de faire du skate, et elle a surtout commencé le vol à l’étalage. De la nourriture dans les supermarchés pour compléter le peu qu’elle avait chez elle, des vêtements dans les boutiques les moins sécurisés du centre commercial. Elle a fait ce qui fallait pour survivre au final, et certains ont même fermé les yeux par moment pour la laisser faire.

Il y a eu la fois de trop. C’était au centre commercial, lorsqu’elle bossait encore pour le glacier. Elle a volé dans la caisse, un simple billet de dix dollars. Le vol de trop dans les comptes mal établis du gérant. Elle s’est fait virer, avec appel de la police en option. Elle a paniqué, même son visage marquait une froideur parfaite pour ne pas laisser paraître les émotions si fortes qui se bousculaient dans sa tête. Elle a tenu un temps, avant de craquer complètement devant le shérif adjoint, River King. La pression était trop forte pour elle, et même si le nom du shérif lui donnait des préjugés de condescendance, elle a fini par lui faire confiance en trouvant de la douceur et une sincérité dans ses gestes. La musique choisie pour la raccompagner a fait toute la conversation sur ce qu’elle n’arrivait pas à exprimer aussi. Elle n’a écopé que d’un avertissement avec cette histoire, et elle a gagné une relation fraternelle en prime. Le meilleur des deals. Pourtant il lui arrive encore de lorgner sur la nourriture et de prendre sans jamais rendre, Fauve, mais elle a diminué et elle sait maintenant vers qui se tourner quand tout devient ingérable dans sa tête. Et pour l’instant, ça lui suffit.

Elle a voulu fuir plus d’une fois, Fauve. Fuguer pour se rendre dans une ville plus grande, avec des inconnus et des gens quo ne la connaissaient ni d’Eve ni d’Adam. Elle ne la pourtant jamais fait, rattrapée par les disparitions nouvelles dans la ville et le visage d’Ozzy dans sa conscience pour l’en empêcher. Elle est pourtant partie une fois, pour rejoindre River, et l’envie de dépasser la traversée de la ville ne cesse de la démanger davantage.

Liv Weaving. Le nom est tourné en boucle dans sa tête. Elle n’a pas compris, et la vue de son visage l’a surtout pétrifiée. Elle savait bien que sa mère avait une soeur jumelle, et même une soeur aînée qui vivait à Hawkins avec qui elle était en froid, mais…jamais de la vie elle se serait attendue à ça. Une cousine qui lui ressemblait presque à la perfection, sans que sa mère ne l’ait jamais mentionné. Elle a ses théories sur la questions, Fauve, en se disant juste que sa mère avait dû faire des choses avec le père de l’autre rouquine aussi, mais elle n’a aucune preuve et doit juste supporter sa présence dans les environs. Elle déteste, et elle ne sait pas quoi dire ou quoi faire, donc elle préfère l’ignorer en l’observant de loin. Peut-être qu’un jour elle tentera une approche, mais pour l’instant elle roule des billes et compte les jours avant de la voir terminer le lycée. Elle n’avait pas besoin d’un double pour avoir le nom de freak, mais ça n’aide clairement pas. Surtout quand Liv parle de sorcellerie et d’aliens en face. Ridicule.

Ses nuits sont des cauchemars inavoués. Elle n’a jamais eu un sommeil tranquille, depuis aussi longtemps qu’elle pouvait s’en souvenir, mais les cachets qu’elle prenait jusque-là ne font plus effet et elle se laisse absorber chaque nuit par des visions effrayantes qu’elle se tarde d’oublier une fois réveillée. Et au final, c’est sa vie le véritable cauchemar, non?

(vrac) elle a trouvé un bus scolaire abandonné, et en a fait son inspiration pour son art et ses poèmes + fan de Mary Shelley, son livre préféré est Frankestein + si la musique classique a accompagné sa passion pour la danse et qu’elle porte particulièrement un amour pour le lac des cygnes, elle écoute aussi beaucoup de rock alternatif et indie voire même du métal + la littérature est la seule matière qu’elle ne manque jamais + elle déteste les gamins populaires du lycée, et leur voue une vendetta personnelle + elle n’a pas le permis contrairement aux jeunes de son âge, tout simplement parce qu’elle n’a pas de voiture sur laquelle apprendre. elle se déplace en skateboard du coup, et ne quitte jamais sa planche + elle garde ses chaussons de danse et la cassette de The Smiths de River comme des trophées dans sa chambre, sans qu’il n’y ait personne pour en connaître la signification dans les détails + elle rêverait d'avoir un chien, rien qu'à elle.