Ronny-Bunny Sonny, c'est le petit dernier de la fratrie des "enfants terribles McCarty". Alors forcément, quand on a que des frangins et qu'ils sont tous plus grands et plus forts que vous, quand on est le petit lapin de Maman parce qu'on ne la met jamais en colère, la vie devient souvent un petit calvaire. Ronny, c'est celui qu'on pousse "sans faire exprès" dans le couloir, celui qui récupère toujours le fond du paquet de céréales où il y a plus de céréales en miettes que de céréales. C'est celui qu'on affuble du surnom de "Ronny-Bunny" pour avoir le plaisir de le faire enrager jusqu'à la bagarre qu'il perdra...forcément, c'est le plus petit.
Mauvaise graine Ses aînés ayant déjà une sacrée réputation, oscillant entre pitrerie et petite délinquance Ronny va profiter pleinement et durant toute son enfance des opinions favorables comme défavorables que ses prédécesseurs ont laissé à ceux qui ont croisé leur chemin. Estampillé "mauvaise graine dont on ne pourra rien faire", Ronny n'a pas été franchement encouragé par ses enseignants successifs à l'école, condamné par avance à être le clown de la classe dans le meilleur des cas. Alors quand il s'est avéré être plutôt calme, on a préféré le laisser seul, au fond de la classe, craignant de faire surgir ce comportement épuisant qui est la marque de fabrique de cette drôle de famille.
La rupture En grandissant, Ronny a commencé à se sentir de plus en plus différent de sa famille. Bien qu'habitant sous le même toit, il s'en éloignait de plus en plus. Tandis que ses frères se laissaient entraîner dans les embrouilles souvent foireuses de leur père, lui découvrait enfin ce que cela signifiait avoir du temps pour soi. Et son premier vrai choc émotionnel fut lorsqu'il découvrit la lecture, cette occupation qu'on ne l'avait jamais incité à pratiquer à l'école ou alors présenté de manière tellement peu excitante et/ou pompeuse, qu'il ne s'en était jamais réellement intéressé. Ronny se mit à fréquenter l'endroit dès qu'il le pouvait, n'empruntant jamais de livres (pour ne pas avoir à subir les moqueries des mâles de sa famille) mais notant scrupuleusement dans un petit carnet les ouvrages en cours de lecture ainsi que la page à laquelle il avait dû s'arrêter.
Edmund 13 pauvres petits mois les séparent mais Ed le dépassera toujours d'une tête comme s'il avait quatre années de plus. L'aîné ayant doublé une année scolaire, ils se sont retrouvés à fréquenter la même classe durant tout leur collège. Ronny, déjà fort discret, devint presque invisible, écrasé par la flamboyante personnalité de son frère et ils furent relégués à deux au fond de la classe, près du radiateur. A cette époque, Ronny s'en fichait bien de la popularité ou de la vie de son aîné et puis, il y a eu Margaret.
Maggie Ah Margaret. Avant d'être sa belle-soeur, Margaret était sa meilleure amie. Ils se sont rencontrés à la bibliothèque d'Hawkins, découvrant, à la fois amusés et curieux, qu'ils sont les seuls lecteurs à arpenter les étagères dédiées aux mondes fantastiques. Les liens se tissent vite entre gens "aux goûts bizarres" et Ronny tombe sous le charme de celle qu'il appelle Maggie. Et puis, Ed croisa un jour leur chemin et ce qui était quasiment une relation secrète jalousement gardée ne le fut plus. Le flamboyant Ed fait son plus beau numéro comme s'il était le héros d'un film, débordant d'assurance et d'aisance. Et déjà, Maggie ne parle plus de Lovecraft ou de Tolkien, elle rit aux blagues aux blagues potaches d'Ed.
Billy Ronny n'a que 19 ans lorsque son neveu voit le jour et bon sang, à l'instant où il a posé les yeux sur ce petit bonhomme et sa jolie frimousse, il s'est senti presque investi d'une mission, celle d'être l'oncle parfait. C'est pas Ed qui va donner un bon exemple à suivre à ce môme. Avec un tel paternel, Billy suivra ses traces. Ronny va devenir adulte pour deux, pour lui et pour son frère. Finis les petits boulots, les petits trafics et le squat du sous-sol de la maison familiale. Ronny se met à cumuler plusieurs emplois "d'adultes" au sein d'Hawkins jusqu'à pouvoir s'acheter une maison et s'y installer.
Une seule parole Le couple d'Ed n'allait pas bien. Pas bien du tout. Resté proche de Margaret, elle venait souvent chez Ronny pour avoir une bouffée d'oxygène et des "conversations d'adulte". Edmund était irresponsable, inconscient et ce qui était charmant quand ils étaient jeunes l'était de moins en moins depuis que le couple est devenu parent. La gamin grandissant, un nouveau problème bien plus inquiétant aux yeux de Ronny, s'ajouta; Ed commençait à entraîner Billy, qui abordait à peine l'adolescence, dans des plans foireux. Maggie se tuait au boulot tous les jours pour offrir un avenir à son fils tandis que Ed voulait en faire un futur associé. "Promets-moi, Ronny, promets-moi d'empêcher mon Billy de finir comme son père." En la serrant contre lui, en calmant ses pleurs, il promit.
Coupable La traditionnelle petite soirée organisée par la mairie d'Hawkins pour célébrer le début de l'été s'était achevée, comme tous les ans, sur une bagarre impliquant un McCarty. D'habitude, la famille se bat côte à côte dans une mêlée générale mais cette année, ce sont les deux derniers frères encore en ville qui en sont venus aux poings. Personne, à part les deux belligérants, ne sait vraiment comment tout ça a débuté mais tous les témoins d'alors savent comment cela s'est terminé. Ronny finit par perdre conscience sous les coups de son aîné. Ed l'abandonne alors sur place, emmenant Margaret derrière lui, fulminant, pestant à voix haute sur ce putain de donneur de leçons qui ne sait pas ce que c'est que d'avoir une famille. Il marmonne seul, tirant toujours Maggie en larmes, râlant que Billy, c'est son gosse, à lui, Ed McCarty. Les résidents restés autour de Ronny pour lui apporter les premiers soins, entendront des pneus projeter des gravillons sur le parking tandis que la voiture d'Ed démarre à toute vitesse. Puis, quelques secondes après que le moteur ai rugi comme un animal enragé, les pneus hurleront sur l'asphalte avant de se taire dans un funeste bruit de tonnerre.
Renaissance Deux semaines. Billy restera deux semaines dans une famille d'accueil avant que l'Etat accepte enfin de confier le môme à son oncle. Ronny n'a aucune idée de la façon dont il doit aborder le gamin et il sait, pour souffrir autant que Billy, que rien ne peut le réconforter. Alors, il se contente de garder le silence parce que s'il se met à parler de Maggie, ils vont s'effondrer tous les deux. En attendant que le môme ai décidé de lui parler, il lui passe ses disques préférés en expliquant pourquoi il les aime. Il laisse traîner ça et là ses livres fétiches, ceux qui l'ont le plus marqué. Il doit également se mettre à cuisiner comme un adulte, Ronny. Et c'est pas toujours un succès. "Tu peux me le dire si c'est dégueulasse, je vais pas me vexer. - Nan, t'inquiètes pas, je vais le manger...hmmm chébon... - Te fous pas de ma gueule, je le vois dans tes yeux. C'est dégueulasse. - ...Ouais, c'est vraiment dégueulasse. Tu devrais t'excuser pour servir un truc pareil." Et le gamin lâche un bref rire moqueur, le premier depuis des jours, des semaines.
Exode A peine le temps de se remettre, de trouver un équilibre dans cette nouvelle vie, que le fantôme d'Ed revient en un ironique baroud de déshonneur. Des dettes...des dettes légales, des dettes moins légales, des services promis à des gens peu recommandables, tous ces dûs  passent du frère trépassé à son cadet. Malgré ses emplois, Ronny est étranglé par les créances et s'il ne veut pas finir sous les ponts avec un Billy placé on ne sait où, il doit quitter Hawkins pour une ville plus grande avec plus de travail, mieux payés. Ca le tue, Ronny, de devoir expliquer ça au gamin, ça leur tombe dessus alors qu'ils n'ont rien à voir avec tout ça. Ca le tue encore plus d'être obligé de le laisser là. Il l'aime, ce môme. Comme si c'était le sien. "Je te laisse la maison, il n'y a rien à payer dessus. Je vais régler tout ce merdier et je reviens vite. Je te fais confiance, tu sauras te débrouiller." Mais le gamin ne veut pas qu'il parte seul. Alors, il s'incruste dans le voyage. Ils chialent en silence en fermant la porte, avec la pudeur des hommes qui chialent côte à côte et qui ne se regardent pas pour pas chialer de plus belle.
Quelque chose dans la tête Durant son exode à la ville, Ronny a été amené, en échange d'une sacrée somme d'argent, à tester un médicament. Le représentant du laboratoire ne lui a jamais donné son nom ou celui de l'institut pour lequel il travaillait, le chèque à plusieurs zéros acheta sa contribution et son absence de questions. On l'avertit que ses nuits risquaient d'être perturbées, qu'il pourrait avoir des terreurs nocturnes voire des paralysies du sommeil. Il devra, alors, rédiger avec le plus détail, les rêves qu'il ferait. Des années après, et malgré l'arrêt de l'expérience, Ronny souffre encore des mêmes désagréments, ces cauchemars dans un "monde couleur de sang" sont même devenus plus précis depuis quelques mois.
Boys are back in town Cela aura pris trois longues années pour éponger ces dettes. Trois longues années à s'y mettre à deux, à écluser toutes les petites annonces, de tous les journaux. Des nuits courtes, des journées longues. Des emplois ennuyeux à mourir ou dangereux. Mais ça y est. Ils peuvent enfin revenir à Hawkins et c'est comme retrouver une paire de pantoufles. L'année dernière, Ronny a investi ses ultimes économies dans le Hideaway et en est ainsi devenu cogérant. De la ville, il y a ramené et implanté le concept de retransmission télévisée de matches sportifs ainsi que les petits concerts. Si l'ambiance s'y prête, il n'est pas rare que Ronny sorte sa guitare pour improviser quelques classiques.