four, the horseman
(song / outfit)

Le printemps arrive, les fleurs éclosent et donnent à la ville d'Hawkins des couleurs affriolantes qui changent du gris hivernal. Billy a toujours trouvé cette saison désagréable, non pas parce qu'il aime le noir, mais parce qu'il ne sait jamais comment s'habiller au printemps. Il fait froid le matin, mais dès que le soleil campe en haut de son dôme la chaleur prend le dessus et devient insupportable. Alors, il se retrouve souvent à devoir suer dans ses godasses et sous sa vestes lourdes en cuir véritable. Heureusement pour lui, il ne manque pas de t-shirt, décorés les uns autant que les autres de beaux visuels de ses groupes préférés. Un jour, il aimerait bien en arborer un avec un de ses dessins dessus. Bref, tout ça pour dire que Billy commence à cuir en cette fin de matinée, jour de congé de sa semaine dont il profite pour se rendre à la bibliothèque. Il mangera un peu plus tard, tant pis. Depuis que Ronny ne campe plus dans son mobil-home, la prise des repas s'est faite de plus en plus anarchique. Ça lui convient, comme ça, mais il a tendance à se négliger quand il n'y a personne derrière ses basques. A trente ans, ça n'a pas l'air de le soucier, bien qu'il se pose des questions à propos de son avenir, tant sur le plan personnel que familial. Parfois, il en a presque le blues, rien qu'à y penser, et il se dit qu'il faudrait qu'il se bouge le cul, sinon il mourra seul et vieux.
Rien qu'à l'évoquer dans un coin de son cerveau, une boule vient lui tourmenter le ventre. Sensation qui ne dure cependant pas très longtemps, car qui voit-il de l'autre côté de la rue menant à la bibliothèque ? Ce gamin dont il n'a pas oublié les traits -qu'il n'oubliera probablement jamais. Un visage d'ange entouré maintenant de mèches blondes qui ont poussé. On dirait un ange. Et pourtant, à l'apercevoir, le corps de Billy est parcouru d'un frisson. Pas d'un frisson de plaisir, pervers ! Mais bien d'un frisson glacial qui se répand jusqu'à sa nuque. Le même frisson qu'il a ressenti avant de tomber nez-à-nez au laboratoire sur ce gamin et son acolyte. Où est le deuxième ? L'adolescent semble gambader seul. Et à le regarder sans pouvoir s'en détacher -sans se rendre compte de l'étrangeté de sa réaction-, Billy remarque à quel point le gosse jure avec la société qui l'entoure. Les images des deux gosses en robe d'hôpital qui s'enfuient, le crâne rasé, une goutte de sang qui perle de leur nez, le ramène aux mêmes sentiments qui l'ont traversés il y a deux semaines de cela : déjà l'incompréhension, puis la peur, et enfin une sorte d'inquiétude urgente mêlée à de la compassion. Un mélange bien louche qui l'a forcé à aider les deux gamins à s'enfuir du laboratoire. Tout comme il le force aujourd'hui, à 11h37 pétante, à aller vers lui et lui faire comprendre ce qu'est un feu rouge et un passage piéton. Billy fait quelques pas, prêt à l'invectiver, mais se rabroue de peur d'effrayer le blond. Finalement, un 4x4 le frôlant de peu se charge de prendre une décision pour lui. Hey, gamin ! Fais attention ! Ses mains s'agitent vers son interlocuteur pour le presser de revenir sur le trottoir. C'est fou parce que maintenant qu'ils se sont reconnus l'un et l'autre, Billy a l'étrange sensation de devoir se comporter le plus doucement possible. Comme si le garçon devant lui est fait de porcelaine. Il abaisse donc ses bras et cligne plusieurs des yeux, cherchant les premiers mots qui sortiront de sa bouche. C'est bizarre de le revoir dans les rues d'Hawkins. C'est comme s'il voyait un alien se promener en ville. Sans offense. Je. Tu peux pas traverser les rues comme ça, c'est super dangereux. Est-ce que ça l'est pour ce gosse qui avait l'air d'avoir souffert au point de s'enfuir ? Y'a des feux et des passages piétons. Petite base pour rester en vie. Billy hésite un moment à lui faire la morale à deux balles suivie d'une petite explication des feux verts et rouge, mais il se freine et finit par soupirer. Les images du laboratoire plongé dans le chaos et des deux loustics reviennent en chaîne et l'empêche de faire comme si rien ne s'était passé. Si le petit blond ne s'est pas déjà enfui, c'est qu'il peut commencer à en parler, non ? Vou-Tu vas bien sinon ? Tu sais, depuis la dernière fois. Ok, ça ne rend pas du tout comme il l'avait imaginé dans sa tête. Désolé, mais j'arrive pas à oublier ce qu'il s'est passé. Et aussi, je m'suis fait un sang d'encre pour vous. Toi. Ce n'est pas tous les jours qu'il voit des gamins s'enfuir dans une cacophonie violente. Comme quoi, il se passe vraiment des choses étranges dans ce laboratoire. Billy brûle d'envie de l'incendier de questions qui lui taraudent l'esprit, mais il se contient en se mordant vivement la lèvre. Il ne veut pas l'apeurer et l'endroit ne prête pas trop à la discussion, ni même à cette retrouvaille des plus étranges.

tw : mention shoah.

Qu'est-ce que- Qu'est-ce que c'est exactement ? Billy pensait être un vieux con en expliquant les règles de sécurité en vigueur dans tous les états du pays, mais force est de concevoir qu'il avait tord. Finalement, une pointe de rappels n'aurait pas fait de mal à ce gamin qui semble un peu trop perdu pour être un habitant à part entière d'Hawkins. D'ailleurs, maintenant qu'il le revoit, qu'il se remémore leur rencontre aux laboratoires nationales et tout le tintouin, le bouclé se pose de plus en plus de questions quant à l'origine du blond, et à sa sécurité aussi. Pourtant, le voilà qui gambade en ville, à la vue et au sus de tous. La dernière fois qu'il l'avait croisé, il semblait être en fuite... pas seul, mais avec un autre petit gars à ses côtés. Un blond et un brun. Si différents, et pourtant si semblables, car tous les deux fuyaient la même chose. Mais quoi ? En repensant à son acolyte, voilà que le gosse commence à le nommer, et ce avec un drôle de prénom. Two ? Comme le nombre ? Billy semble un peu sceptique et interloqué, car il n'avait encore jamais entendu (même dans les news nationales, le peu qu'il en regarde) de personnes dotées d'un nombre. Certes, une pensée macabre et tragique lui rappelle les déportés des camps de concentration pendant la seconde guerre mondiale, ce qui le fait déglutir difficilement avant d'essayer de répondre à la question posée par le gamin. Ce dernier semble vraiment envieux de connaître la réponse, ce qu'il peut comprendre si les deux étaient amis et ont été séparés par la force du destin. Ben, merde alors. Billy connaissant déjà la réponse, ne peut cependant pas la formuler avec attention, car le blond repère soudainement une voiture de police pas loin d'eux. Alors, c'est vrai, ils sont carrément recherchés. Des questions brûlent les lèvres du trentenaire mais il doit les ravaler pour s'assurer qu'on ne les repère pas en pleine discussion, et aussi pour rassurer la gamin qui a l'air sur ses aguets. Viens, je sais exactement où aller. J'te ferai un cours sur la sécurité piétonne un autre jour. Non sans douceur, mais avec rapidité, Billy l'entraine sans tarder à l'intérieur de la bibliothèque qui se situe à quelques mètres seulement. Une main derrière son dos, ils s'engouffrent dans le hall où le calme et l'intimité de la bibliothèque se fait déjà sentir. Y'a des sièges là-bas, vers les journaux hebdomadaires. On y sera plus tranquille et à l'abri, fais-moi confiance. Il peut, car il connait ce lieu par cœur pour y avoir user les bancs depuis qu'il a douze ans. Une fois posés dans un coin, Billy reprend avec entrain la conversation, puis il se rappelle qu'il était sur le point de donner une mauvaise nouvelle au blond. J'suis désolé pour ton pote. Je l'ai pas revu depuis la dernière fois. Et pourtant, ce n'est pas un visage qu'il oublierait si facilement. Pas après une fin de journée pareille. Il s'appelle Two, c'est ça ? Et toi, tu t'appelles comment ? L'homme de ménage aux laboratoires essaye tant bien que mal de ne pas s'attarder sur l'ami disparu pour ne pas l'effrayer plus que ça. Moi, c'est Billy. Il ne veut pas l'effrayer, et pourtant il a tellement d'interrogations en tête qu'il aimerait élucider. Billy McCarty, à ton service ! Peut-être qu'une petite courbette accompagnée d'un sourire, le tout dans une bibliothèque, lui remontera le moral ?