[ qui est luther ? ]
hypothèse première : il est l’enfant seul, le grand menteur, créchant là où on ne l’attend, et surtout là où on ne le souhaite. gamin pauvre, vagabond céleste, l’on parfois affirme qu’il est un prophète. toujours la verve acérée, il rétablit la vérité, comme si la parole de Dieu avait trouvé en ses lèvres une coupe sacrée. malgré lui, il est un ange. d’une rare pureté, ses mains jointes menottent plus qu’elles ne prient Yahvé.
hypothèse seconde : il est le criminel. recherché, poursuivi, arrêté, il est l’assassin funeste, celui qui, par la lame, coupe les langues de ceux qui cherchent à l’épingler. sous couverture ou infiltré, il a été engagé dans l’unique but de se sauver. et à en croire le badge qui orne le flanc de son poitrail azuré, il s’en est plutôt bien tiré.
hypothèse dernière : luther n’a jamais existé. l’illusion en est alors démesurée : fantôme d’un temps dépassé, il est peut-être mort, fictif, ou pas encore né. sans doute qu’on ne le saura jamais. luther erre, l’on ne sait où, ni dans quelle année, et son ombre flotte, flâne, porteuse d’une réputation lourde et épaisse, aussi écrasante que l’éther voûté d’atlas lui-même.
luther est là sans être, n’est qu’un titre donné, qu’un nom posé sur un visage que l’on ne connaît. plus qu’un homme, il est un symbole, un archétype que celui d’un flambeau soulevé, brûlant par son aveuglante vérité, tiraillé par ses pairs à l’instar de prométhée.
et les corbeaux se lèvent, dévorant de leur bec acéré les entrailles de ce qui est. de ce qui est inaliénable. de ce qui est vrai. et de tout ce que luther, poète et visionnaire, aura prouvé depuis son siège, un verre de lait aux lèvres.
ー interlude ー
[ vie et faits sur luther, le plus fantasque des détectives modernes ! ]
[ vie et faits sur luther, le plus fantasque des détectives modernes ! ]
[ 1 ] à en croire le vide de sa biographie, on ne sait pas grand chose de luther. tout ce que l’on connaît de lui se résume à une petite notice, celle qu’il a signé lui-même : il annote des informations sans grand intérêt, comme ses origines (britanniques, d’après ce qu’il affirme à toute la plèbe), et son âge (vingt-neuf, comme s’il angoissait de l’approche de la trentaine). [ 2 ] il possède une expérience de longue date du krav maga et du ju-jitsu, adepte des sports de combat. sur son torse sont affichés ostensiblement à ce qu’il paraît les marques d’une cicatrice béante, recousue avec les moyens du bord, ainsi qu’un bandage à la main droite. dieu merci, il est gaucher. [ 3 ] par ses parents diplomates, luther s’est établi toute son enfance en iran, probablement enfant de téhéran tout en jouissant d’une vie paisible et d’une famille aisée. pourtant, c’est en suivant avidement les cours de littérature et de philosophie que l’on lui administre dans les grandes universités que le jeune homme s’est rapidement politisé dans le but seul de promouvoir l'anti-occidentalisme grandissant du pays évoqué par les plus éminentes figures communistes du moyen-orient de son siècle doré. dès ses vingt trois ans, ce dernier s’inscrit au sein d’une lutte résistante pour faire basculer le shah d'iran avant de fuir à l'arrivée au pouvoir de l'ayatollah khomeiny en soixante-dix huit. contraint de vivre une existence désordonnée entre ses pérégrinations et ses voyages inadaptés, il fuit et se lance dans ce qu'il sait, à travers le monde, mieux le faire : ne pas se mêler de ses affaires. [ 4 ] vagabond de profession, son nomadisme le mène ainsi aux quatres coins du monde jusqu’à ses vingt-cinq années passées dans lesquelles il visite tous les pays qu’il peut se permettre de rencontrer, avant de se faire capturer au mali dans des circonstances jugées, encore à l’heure actuelle, plus qu’incertaines. là-bas, il découvre avec une grande curiosité une machination perverse là où il est justement fait prisonnier : il réussit néanmoins à s’extraire de là où on le retenait avec un journaliste du boston globe, m. mancini, le guide farouchement dans sa quête spirituelle aujourd’hui comme hier. ensemble, ils réussissent à résoudre, sur un coup de tête, une bien curieuse enquête de meurtres inexpliqués, qui pousse de fait luther à rejoindre le journal dans une rubrique qui lui est dédiée. sa renommée, mineure, peut néanmoins lui permettre de compter à juste titre parmi les détectives les plus réputés du milieu tel qu’on le connaît, librement inspiré par ses idoles de jeunesse, sherlock holmes et hercule poirot pour ne citer que les plus célèbres. [ 5 ] à la suite d’une série de revues publiées sous le titre de crimes et voyages (considérée ici comme la plus illustre des anecdotes insolites dans la catégorie faits-divers de l’investigation américaine), luther a été repéré par le f.b.i. pour résoudre la plus étrange affaire du siècle. s’il n’est un espion en tant que tel, ses livres, parus au grand public quelques années après, dénotent bien souvent d’un conflit politique qu’il tente au mieux de maîtriser. parmi ses ouvrages les plus appréciées se trouvent ainsi "les secrets de palmyre" (sous-titrées : le meurtre d’al-hachimi, prince de syrie), "mystères à niilslel khuree" (sous-titrées : la disparition du seigneur rouge), "l’assassin transsibérien" (sous-titré : crimes à bord du transsibérien, de moscou jusqu’à pékin) mais également "souvenirs d’une fuite", son récit le plus exceptionnel, dans lequel il conte l’inquiétant rêve d’une croisière funèbre. pour autant, luther n'a aucun doute au sujet de son nouveau récit dantesque : le dossier que le bureau fédéral cherche à lui confier n'a rien de surnaturel, et il est prêt à le prouver avec son stylo et son carnet. [ 6 ] sa vie d’errance pendant plusieurs années tempétueuses et funestes l’a poussé à développer une tendance exacerbée pour le multilinguisme et l’amour du multiculturel. luther parle ainsi couramment le l’arabe, l’anglais, l’espagnol, l’allemand, le russe et le néerlandais, et possède étonnamment quelques notions mineures de yiddish et de sanskrit ㅡ allez savoir pourquoi. [ 7 ] on peut considérer que son péché capital est, quelque part, la vaine gloire. sa morale ? "justice is better with a cup of milk" ㅡ ou quelque chose dans ce genre là. [ 8 ] luther a déjà prévu son plan de retraite : son objectif, une fois sa carrière de détective terminée, est fondamentalement de se lancer dans la production d’une série non-conventionnelle de briques de lait boogalo croisière et d’entamer ses écrits littéraires dans une excursion relative entre plusieurs peuples nomades d’asie et d’afrique pendant plusieurs années dans le cadre d’un mémoire d’anthropologie plus ou moins sophistiqué. [ 9 ] il arrive souvent que luther ait des troubles du sommeil. à vrai dire, on pourrait le considérer, quelque part, comme atteint d’une forme d’insomnie saine, dans le sens d’une nyctalopie anormalement avancée pour ce qu’elle est. il est vrai que l’agent devrait se méfier des tourmentes que la nuit réserve : après tout, elles risquent toujours de fausser ses idées sur ce qu’il se passe dans sa caboche pleine d’hypothèses. mais luther a un pressentiment étrange quant à ce qu’il s’est plutôt passé. son dernier livre n’est pas celui qui a le plus de succès par un hasard tout bien trouvé. [ 10 ] et le soir, parfois, luther songe. arrivé à hawkins il y a quelques semaines, certaines pensées l'obsèdent. et si c’était ça, l’exode qu'il lui fallait ?
à quel point es-tu similaire à luther ?
(lève un doigt si toi aussi, tu...)
(lève un doigt si toi aussi, tu...)
aimes le lait, les chips aux crevettes, les frites. beaucoup de frites.
détestes ces putains d'asperge.
mais aussi...
la littérature, surtout si tu as dans ta liste de lecture ;
le chien des baskervilles (a. conan doyle), ils étaient dix (a. christie), gatsby le magnifique (f. scott fitzgerald), à la recherche du temps perdu (m. proust), moby dick (h. melville), la divine comédie (d. alighieri), hamlet (w. shakespeare), le peuple de l’abîme (j. london), les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? (p. kindred dick), orlando (v. woolf).
mais également...
les arts, surtout si tu vénères ;
en peinture le caravage, v. van gogh, rembrandt, j. vermeer, michel-ange, e. degas, e. delacroix, a. modigliani, g. courbet, t. géricault.
et en musique m. davis, d. ellington, j. coltrane, c. parker, b. holiday, b. evans, j. hendrix, the doors, l. beethoven.
sans parler...
du cinéma, surtout si tu as vu ;
théorème (p. paolo pasolini), le septième sceau (i. bergman), la chinoise (j. luc godard), le cuirassé potemkine (s. eisenstein), chantons sous la pluie (g. kelly), le danseur du dessus (m. sandrich), fenêtre sur cour (a. hitchcock), sueurs froides (a. hitchcock), bons baisers de russie (t. young), la bataille d’alger (g. pontecorvo).
mais encore plus...
si tu aimes
la pluie, la nostalgie, les photographies anciennes, les sculptures antiques. les gens qui peignent, les gens qui le peignent, les grimaces des enfants, le bonheur en chantant. les karaokés nocturnes, les sons ringards que l’on passe à trois heures du matin, les gouttes qui dégoulinent le long du parapluie, le manteau trempé, les étoiles. le ciel qui s’éveille, les premiers réveils, les arrières assurées, les présences rassurantes. l’adrénaline des premières fois, les pleurs asséchés, les douleurs effacées. la douceur du matin, le lait autour des lèvres, les portes claquées, les fenêtres grandes ouvertes. l’impression de servir, d’être utile. de rendre justice.
et que tu détestes...
ces putains d'asperge.
mais aussi...
la mer, la plage, le sable fin sous les pieds. les grains coincés entre les orteils, la barbe mal rasée. l’air constamment épuisé, fatigué, lessivé. la religiosité. les croix des églises, l’opulence des prêtres, l’arrogance des évêques et l’insatiable orgueil des papes. la bible. les grandes statues bouddhistes. les pagodes, les mosquées, les temples, les synagogues sans intérêt. les soirées monotones, la chaleur de l’été, l’écrasant poids du ciel et de son soleil, qui, funeste, abat sur les têtes sa majesté tout entière qui ne fait que l’assomer. les rivières, la gadoue, les marées. les cafards qui gisent à terre. les vêtements délavés, les chaussures mal cirées. les temps maussades, sans pluie ni arc-en-ciel.