FAMILLE. Spencer est née dans une famille aisée, bienpensante, de bonnes manières. Ses parents attendaient d’ailleurs un garçon, et leur seule consolation a été de l’affubler d’un prénom mixte. Pendant les dix années qui suivent sa naissance, elle est fille unique, enfant gâtée de tout et n’importe quoi, tant que ce n’est pas de l’affection, du moins pas de trop près. Faudrait pas baver sur le tailleur flambant neuf de maman. Et puis arrive enfin le petit frère, le fils prodige tant attendu. Les parents sont déjà vieux, c’est Spencer qui prend la charge mentale de l’affection envers Anthony, et ça lui convient très bien, ce petit être qui la regarde comme si elle était merveilleuse. Leur relation est une bouée de sauvetage, un lien qui maintient Spence loin de la tentation des stupéfiants pendant de nombreuses années.

PARCOURS. Elle se lance dans des études de droit pour faire plaisir à papa et maman, même si ça ne l’intéresse pas outre mesure. De toute façon, rien ne l’intéresse au point de s’y enchaîner jusqu’à la fin de ses jours. Après quelques années à faire semblant, elle abandonne tout et vit paisiblement de l’argent que ses parents avaient mis de côté pour elle. Ces derniers ne l’entendent pas de cette oreille et s’ensuit une lente destruction du faible lien qui unissait Spencer à ses géniteurs. Sans qualifications et finalement contrainte de trouver un job, elle enchaîne les petits boulots pas très bien payés.

VINGTAINE. Une fois la stabilité trouvée, Spencer continue sa petite vie, se forge un cercle d’ami.e.s à New York, travaille et paye son loyer en autonomie financière totale. Elle garde contact avec son frère tandis qu’il grandit, mais ses relations avec ses parents restent inexistantes, étant donné qu’ils n’ont jamais digéré son mode de vie.

TRENTAINE. Tout s’enchaîne soudainement trop vite. Anthony lui présente un jour sa petite-amie, une arriviste sans doute uniquement là pour l’argent des parents. Ils se fiancent et se marient, bien trop vite. Elle l’entraîne dans une ville paumée de l’Indiana, bien trop loin. Spencer perd le contact avec lui, leurs rares communications téléphoniques tournant au vinaigre dès qu’elle évoque le bien-fondé des intentions de sa belle-sœur.

12 AVRIL 1979. Le téléphone sonne. De l’autre côté du combiné, Spence s’attend à tout, sauf à entendre la voix de la femme d'Anthony. Celle-ci est chevrotante, elle… pleure ? Entre deux sanglots, Spencer comprend que son frère a disparu. Des recherches sont lancées, on fait des battues, on mobilise l’ensemble du village. Rien. Spence fait le déplacement jusqu’au trou paumé en Indiana pour y participer. Les recherches durent près d’un an, mais son frère n’est jamais retrouvé. Les enquêteurs ont conclu que le disparu était sans doute parti de son plein gré, ne souhaitant pas être retrouvé. Spence est convaincue du contraire.

VIVRE SANS. Lorsqu’elle revient à sa vie, Spencer est déboussolée. Le garde-fou ne la retient plus, elle se met à passer ses soirées à goûter à tous les stupéfiants qu’elle s’interdisait d’approcher auparavant. Ils lui permettent de s’engourdir, d’oublier qu’elle a jamais eu un petit frère. Son père reprend timidement contact, lui annonçant que sa mère est malade et ne se remet pas de la perte de son fils. Ne sachant pas sur quel pied danser avec eux, Spencer se contente d’être cordiale. Lorsque sa mère décède, elle reste de marbre.

HÉRITAGE. Son père finit par décéder à son tour. Le chaos des papiers de succession, qui prévoyait de partager l’héritage entre son frère et elle, réouvre la blessure. Ses géniteurs ont spécifié dans leur testament qu’ils ne souhaitaient pas que leur fille hérite de l’entièreté de la fortune, car une moitié revenait à leur fils non retrouvé. Mais, étant la seule bénéficiaire à se présenter, on lui confie qu’elle aura sans doute la main sur l’autre moitié une fois les formalités administratives résolues. Bien consciente que cet argent ne lui est pas destiné, par respect pour son frère disparu et sans grande envie de perdre du temps en paperasse, elle confie au notaire le soin de reverser chaque centime à une cause. N’importe laquelle, mais pourquoi pas une association de soutien pour les familles de personnes disparues ? De son côté, elle investit l’argent en acquérant un très bel appartement en plein cœur de New-York.

PROFITEUSE. Février 1984, nouveau coup de fil inattendu. Le notaire l’informe que la désormais veuve de son frère l’a fait déclarer décédé. Et que, ce faisant, elle se place, en tant qu’épouse, en bénéficiaire du testament des parents. Spencer s’embrase, c’est trop. Elle plaque tout, met son appartement en location, laisse son poisson rouge à une amie et fonce dans l’Indiana. Elle est bien décidée à confronter celle qui se fait passer pour une veuve éplorée. Il se trouve que la profiteuse a déménagé, refait sa vie ailleurs, dans un trou encore plus paumé qu’avant : Hawkins.

[Petite précision HRP : Je n'ai pas décidé de ce qui est réellement arrivé à Anthony. Ca reste ouvert, possiblement lié à l'Upside Down ou non (d'autant qu'il a disparu avant l'ouverture de la faille).]