Les cheveux noués dans un ruban vert, pas une mèche de dépasse de ta queue de cheval parfait, pas un pli de ta jupe n’est là par hasard. Tu es parfaite. Enfin tu l’es en apparence. En réalité, c’est autre chose. En réalité, tu es inquiète pour ton contrôle de physique, contrôle que tu vas probablement rater ce qui va te valoir un regard désapprobateur de la part de ta mère, persuadé que tu es rentrée tard à cause d’une soirée chez voter quaterback. Alors que la réalité est toute autre, la réalité, tu ne peux pas lui en parler. Parce qu’en réalité, elle te prendrait pour une folle et tu ne pourrais rien y redire, toi aussi, tu te poses la question. De plus en plus de questions, des questions dont les réponses deviennent urgence, des réponses qui se cache dans un jeu de greek ? Est-ce que tu dois vraiment y croire ? Tu regrettes ce lien avec ton défunt père, tu regrettes de ne pas le connaitre mieux. Tu chasses tes pensées en fin de journée. Une courte pause pour redevenir une adolescente normale. La musique raisonne, tes pieds suivent le pas et les acrobaties s’enchainent durant plus d’une heure avant que l’entrainement ne se termine. Au loin, ton regard croise l’équipe que vous encouragez et s’arrête sur son coach, enfin son assistant. Celui qui était encore un parfait inconnu il y a quelques semaines. Tu lui offres un sourire, est-ce qu’il le voit ? Tu l’ignore et surtout tu ne dois pas penser à cela, tu n’as pas le temps. Tu te le répète en boucle alors qu’une fois l’entrainement terminée, tes pieds te guident tout naturellement vers lui. « Salut. »

Quand tu arrives sur le terrain des garçons, les joueurs sont en train de partir pour rejoindre le vestiaire. Certains te saluent, d’autres te relooke juste sans la moindre finesse, d’autres encore t’arrête pour te parler de leurs prochaines fêtes dont tu vas feindre la présence. Les fêtes que tu appréciais sont devenues des alibis aujourd’hui, on t’y voit, tu salues quelques personnes et tu disparais dans la nuit à la chasse aux montres avec une bande qu’on ne devinerait jamais. Puis tu salues le père de la famille Foster, un homme que tu ne connais pas vraiment mais en tant que coach, tu sais très bien ce qu’il pense des cheerleaders : tu es une distraction, autant durant les matchs qu’en dehors. Et tu ne peux pas le lui reprocher étant donné que c’est l’image que vous donnez, l’image que certaines filles cultivent, l’image que donne votre rôle bien que pour toi, c’est avant tout un sport. Un véritable sport qui demande de l’adresse, de la discipline et de la créativité. Mais soit, ce n’est pas le père que tu viens voir mais son fils, un garçon que tu ne connaissais que de vu il y a encore quelques semaines et qui aujourd’hui était l’une des rares personnes à savoir qui tu étais vraiment. Enfin à savoir qu’il y avait quelque chose de fonctionnel sous cette chevelure blonde. Tu offres ton plus beau sourire, un sourire qui fait ton charme parait-il. « Je peux vous l’emprunter, coach ? » Certes, tu avais besoin (et envie) de lui parler mais tu savais que son travail était important et tu ne voudrais pas l’arracher à sa passion si il y avait encore des choses à faire.

Si sur le terrain ou dans les couloirs du lycée, ton assurance se lisait sur ton visage, tu n’étais plus aussi sûre de toi ses derniers temps. La mort de ton père, la disparition de Samuel, tu n’es pas en ville depuis autant de temps que la plupart de tes amis, mais tu vois bien qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Et les cahiers de recherche de ton père ne font que te pousser dans direction autant effrayante qu’intrigante. C’était d’ailleurs la raison de ta venue vers le jeune homme. Il faut que tu en parles, il faut que quelqu’un te dise que tu n’es pas folle et sans trop savoir pourquoi, lui, c’est l’évidence. Puis voulait également en profiter pour savoir si il avait eu Samy au téléphone pour annuler votre réunion de ce soir, Vera souhaitant travailler pour l’examen de mathématique de demain que tu n’as même pas encore commencer à lire, d’ailleurs. Tu traverses le terrain rapidement et M. Foster autorise son fils à quitter son poste pour que vous puissiez vous éloignez, discuter dans un endroit plus discret que le milieu du stade. Il accepte et cela te conviens mais maintenant, tu dois passer au aveu. Lui dire pourquoi tu es là et tu sais que parler de son frère, c’est toujours délicat. Tu le comprends mieux que personne. Parler de ton père te fait mal alors que tu n’as même pas l’espoir de le retrouver en vie un jour. « Qui le pourrait ? » Tu lui souriais. Tu aimais te montrer taquine et sans trop savoir pourquoi, surtout avec lui. « Samy t’a dit pour ce soir ? Je l’ai croisé ce matin, il n’était pas arrivé à te joindre hier, ils veulent annuler à cause du devoir de maths... » C’est vrai, sauf que même si tu sais que tu dois continuer à vivre et réussir tes études, cette histoire de hante un peu trop pour que les maths soit importante. Et cela doit se lire sur ton visage plus que tu ne le voudrais. Ca te perturbe. « Tu es dispo ? Maintenant ? »

Quand Samuel avait été déclaré comme disparu, tu avais dû passer un entretien avec le shériff. On t’avait posé des questions et tu avais compris que Samuel te ressemblait plus que tu ne voudrais le croire. Tu avais compris qu’il n’était pas qu’un sportif de plus, draguant les cheerleaders pour masquer le fait qu’il ne sait pas additionner deux chiffres. Il était plus profond mais tu ne le connaissais pas assez pour affirmer qu’une fugue était impossible. Tout ce que tu savais, c’était que vous aviez cette enquête complétement loufoque sur lequel il était discret, comme si il était contraint d’être là et en même temps, il était là. De sa propre volonté, il venait à chacune de vos réunions, il ne ratait aucun appel et il te semble même l’avoir vu saluer Samy dans les couloirs. Il était de la bande, de cette petite bande complétement folle et nouvelle dans vos vies. Alors tout ce que tu savais c’était ce que ton intuition te dictais, à savoir qu’il n’était pas du genre à fuguer. Reese c’est différent, c’est son frère, il ne le connait par cœur. Tu lui souriais, tu ne savais jamais trop quel comportement adopter avec Reese, d’un côté les mots étaient simple, le discussion naturelle et tu appréciais le taquiner comme tu le faisais avec tes proches. Mais de l’autre .. C’était plus compliqué, tu craignais la fausse route, la phrase maladroite qui te rappellerais que tu n’es rien de plus que la cheerleader étrange qui trainait avec son petit frère. « La génétique, c’est un truc de nana de toujours trop parlés au téléphone ? » Tu souriais, toi aussi tu étais bavarde. En réalité, tu ne connais que très peu de filles qui ne le sont pas. Très peu de filles qui ne passent pas des heures au téléphone pour parler des leurs tenues ou des garçons, c’est futile. Tu en as conscience mais durant ses moment-là, tu te sens normale. Comme tout le monde. « Mais j’ai eu bien fait de venir alors. » Sinon, il aurait été tout seul au point de rendez-vous. « Peut-être. » Tu esquisses volontairement sa remarque, tu sais qu’il a raison. Tu sais qu’en tant que lycéenne ce devoir devait être ta priorité mais tu ne peux pas. Tu n’y arrives alors plutôt que de répondre à sa remarque, tu en profites pour lui demander si il était libre pour passer un peu de temps avec toi. Ce qui en théorie est le cas puisque son empêchement vient d’être annulé. Par toi. « Cool. Je dois passer à mon casier pour récupérer mes affaires et on se dit dans une dizaine de minutes chez Benny’s ? » La ville n’est pas très grande et Benny’s n’est qu’à cinq minutes à pied, ça lui laisserais le temps de passer au bureau du coach prévenir son père et toi, à ton casier récupérer tes dessins.

Benny’s, c’était le premier endroit que tu avais découvert en ville. La première porte que tu avais poussée quand tu avais eu envie de sortir de la maison pour découvrir une ville à mille lieux de Chicago. Depuis, tu y venais assez souvent avec les cheerleaders, les footballeurs mais également avec ta petite bande d’outsiders. Le diner est ouvert 7j/7, 24h/24 alors il est facile de le prendre pour un refuge des âmes perdus et puis, tout le monde vient chez Benny’s. Et depuis quelques temps, tu constates que tout le monde parle des diverses disparitions en ville, que des théories fumeuses viennent se mêler à vos comparaisons folles avec D&D alors lui proposer de te retrouver là-bas, ça semblait naturelle. Mais également rassurant. Tu avais rarement l’occasion de voir Reese en dehors de la bande, enfin de le voir réellement puisqu’en réalité, vos regards se croisent souvent sur le terrain où les footballeurs et les cheerleaders s’entrainent. Quand tu acceptes, tu lui offres un sourire avant de prendre le chemin de ton vestiaire, troquant ta tenue de cheerleaders pour une douche rapide et une tenue moins voyante. Un tee-shirt coloré et rayé ainsi un short taille haute en jean, le tout avec ta fidèle paire de converses blanches et un coup de main dans ta chevelure blonde que tu viens de libérer de son chouchou. Tu attrapes ta pochette à dessins et tu prends le chemin du diner. Le carillon signale ton entrée et tu devines que tu es en retard puisque Reese est déjà là. « Désolé » Tu t’installes ensuite en face de lui, posant ton sac sur la banquette à tes côtés avant d’en sortir ta pochette à dessin pour lui montrer ce que tu avais dessiné cette nuit –au lieu de dormir ou de réviser-. « Je me suis souvenue. Du dessin dans le labo de mon père, ça ressemblait à cela. » Tu lui tendais un tas avec une dizaine de dessins qui ressemblait à un genre de plantes carnivore. Oubliant même que ta passion pour le dessin était censé être ton secret bien gardé. Un détail de ta vie qui ne colle pas avec l’agitation des pompons et l’image qu’on lui attribue.

A chaque fois que tu vois Rees de dos, tu as ce drôle de sentiment, une impression de déjà-vu. Comme si Sam était de retour, comme si vous alliez mener l’enquête sur la vérité de ton père, comme avant. Sauf que plus rien n’est comme avant, Reese a beau te sourire, il souffre et tu le sais. Il souffre parce que si la mort fait mal, ne pas savoir est encore pire. Pire parce que notre meilleure alliée devient notre pire ennemi : notre imagination. Et plus tu creuses dans ta mémoire pour te souvenir de ce que tu as pu voir dans le bureau de ton père, plus tu as le sentiment qu’il se passe des choses horrible pas aussi loin de toi que tu le souhaiterais. Tu ne sais pas trop quoi lui dire, ou plutôt comment alors plutôt que de jouer la carte du suspense, tu préfères lui présenter tes dessins. Oubliant que tu viens de lui ouvrir une porte vers un secret bien gardé. « Mes dessins, ils sont faux, je n’arrive pas à me souvenir des détails mais je suis presque sûr qu’il y avait un truc dans ce genre-là dans un des dossiers de mon père. » Tu ne sais pas ce que tu veux qu’il répond, tu ne sais pas si le pire est de savoir ou non qu’un truc de ce genre peut exister. « Il faudrait que je puisse retourner dans son bureau mais ma mère à cacher la clé et je n’arrive pas à crocheter la serrure. » Tu soupires, oui, tu sais crocheter les serrures, c’est une capacité apprise récemment et tu ignores si tu n’y arrives pas à cause de la serrure ou à cause de ton côté débutante.

« Ca ? Disons que je gribouille depuis un moment. » Depuis que tu tiens un crayon donc oui, depuis un sacré moment même mais tu n’avais jamais trop réalisé que c’était ton secret, ton jardin secret et tu as presque honte l’avouer. Mais tu sais qu’ils sont beaux tes dessins, ils l’ont toujours été. Une de tes anciennes profs disait même que tu pourrais en vivre mais tu ne l’as jamais cru. Pour toi, le dessin, c’est juste un moyen d’expression, un moyen d’exprimer tes tourments. De vider ton esprit. « Non, pas encore. Je les ai fait cette nuit et je comptais vous les montrer ce soir mais.. Tu connais la suite. » L’interro de maths, les révisions, tu ne leur jette pas la pierre, tu aimerais réussir à te focaliser sur ta vie mais tu es comme ça Heather. Quand tu as une idée en tête, elle te hante chaque seconde et tu te sens comme obligé de trouver des réponses. A sa question, tu regardes ta montre, il est encore tôt, ta mère doit surement être encore au bureau. Tu réalises aussi à quel point il peut te surprendre, tu aurais eu du mal à imaginer de toi-même le coach être capable de crocheter une serrure. Idem pour Reese, preuve que tu ne le connais surement pas tant que cela. « Maintenant ? » Tu attends sa réaction avant de reprendre. « Ma mère doit encore être à son bureau, elle rentre au plus tôt vers dix-neuf heure trente. » Tu ne sais pas si l’idée le tente, que ce soit de découvrir les secrets de ton père mais aussi une partie de ta vie car personne de la bande ne pouvait prétendre connaitre la maison Winston, bien qu’elle n’offre rien d’exceptionnel. Une maison résidentielle parmi les autres avec la belle clôture blanche et la porte rouge. Car quand vous étiez tous ensemble, vous alliez chez Steph et les seuls garçons qui approchaient la maison pour venir te récupérer pour aller en cours ne passait pas la porte.  « Tu as ta voiture ? » Parce qu’à pied, cela risque de prendre plus de temps même si ça restait faisable, la ville n’était pas si grande.

« Mon père était persuadé que si je ne suivais pas ses traces, je deviendrais une artiste. » Tu souriais avec une pensée nostalgique tout en regardant tes dessins. Tu avais dis cela sans vraiment réfléchir parce que tu es comme ça avec Reese. Il a ce pouvoir sur toi, ce regard qui te donne l’impression que tu peux être toi-même. Qu’avec lui tu n’es pas obligé de surveiller ton image, obligé d’être parfaite comme le lycée l’exige. « Il serait assez déçu du résultat je crois. » Tu riais légèrement, tu voulais changer de sujet et puis sincèrement, à l’heure actuelle, tu n’es pas prête à devenir une scientifique et encore moins une artiste puisqu’aux yeux de tous, tu n’es rien d’autre qu’une demoiselle à la jupe trop courte qui secoue des pompons et même si cette réputation est loin de la vérité, elle t’offre un certain statut que tu apprécies. Que tu cultives même en te prenant totalement aux yeux. Bien que tu n’es jamais franchi la limite comme certains qui s’amusent à harceler les autres non. Au contraire, tu tentes d’utiliser le peu de pouvoir que tu as pour les protéger. Consciente que si la vérité éclate, tu passes dans leur camp. Le lycée, c’est la loi de la jungle. « Je n’en sais rien du tout, je voulais les montrer à Steph, il connait mieux l’univers de D&D que nous mais on ne sait jamais. » Tu haussais les épaules. « Peut-être que mon père était juste un adepte du jeu, j’en sais rien. » Tu souriais légèrement et ta voix se fit plus triste durant quelques secondes. « Avant d’arrivée ici, j’aurais eu toutes les réponses mais .. On s’est éloigné, je suis devenue celle que tout le monde croit connaitre et lui, il se passait un truc au labo, je le sais. » Bref, la solution n’était peut-être pas là-bas mais dans le bureau de ton père, il y avait des réponses, tu en étais convaincu. « D’accord, je te suis. » Rangeant rapidement tes dessins, vous sortez ensuite pour prendre la route en direction de la maison Foster.