Ce n’était pas vraiment une de mes meilleures journées, ni clairement une des pires. Quelques brimades des collègues qu’il avait fallu balayer d’un revers de la main, quelques amendes pour excès de vitesse et devoir stopper les altercations entre deux ivrognes dans la rue, c’était un peu le quotidien à Hawkins. On était loin des grandes villes comme New-York où Miami et je me prenais quelques fois à rêver d’enquêtes dignes de séries télé, de sortir un peu de cette routine et d’appréhender un réseau de trafiquants comme dans les épisodes de Miami Vice… Mais ici les seuls choses qui devaient passer sous le manteau étaient quelques joints pour échapper à la monotonie de la ville. On dirait comme ça que je la déteste, mais ce n’est étrangement pas le cas, j’aimerai juste un peu plus d’action. Il y avait bien cette histoire d’enlèvements qui me tracassait, surtout lorsque j’entendais les supérieurs et les médias assurer que ce n’était qu’une vague de fugue alors que les victimes n’avaient aucun lien entre elles. Tout cela me semblait louche mais vu où finissaient tous ceux qui le disaient, je préférais tout simplement mener ma petite enquête l’air de rien. On approchait dangereusement de deux heures du matin et de la fin de mon service, mes yeux seraient déjà en train de se fermer si je n’étais pas à ma énième tasse de café de la soirée, tapant alors sur le volant avec mes doigts au rythme de Heart and Soul de Huey Lewis and The News, je passais au volant de la voiture de fonction devant les urgences de la ville où l’une des infirmières faisant de grands signes en ma direction. Elle suivait un homme qui semblait se battre contre le vent ou une horde d’insectes au vu de ses grands gestes, et il ne m’en fallut pas plus pour comprendre la situation épineuse dans laquelle la femme se trouvait : un patient récalcitrant et probablement aviné. Je me garai le plus vite possible et sortit de ma voiture en me dirigeant rapidement et sans geste brusque vers le lieu de l’action. Pas besoin d’avoir la main sur mon arme ou quoi que ce soit du genre, je n’avais pas fait ce métier pour dégainer à tout va, et la situation ne l’exigeait clairement pas. Je fis un signe de tête réconfortant à l’infirmière avec un léger sourire, lui faisant ainsi comprendre qu’elle n’était plus toute seule dans cette galère avant de devoir esquiver de justice un coup d’avant bras de l’énergumène.

« Monsieur Langdon, vous avez encore abusé du Whisky ? » Dis-je, ce drnier étant déjà connu des services de police et un habitué de la cellule anti-dégrisement. Plus vraiment de famille, les dernières années avaient été dures avec lui et il passait son temps à ressasser le passé au fond d’un verre qui ne désemplissait pas. Ne m’écoutant pas, il continua ses élucubrations et marmonnements jusqu’à ce que je perçoive quelques mots à propos d’une glace à la Fraise.

« Monsieur, la glace à la fraise c’est de l’autre côté, laissez-nous vous y emmener ! » Continuai-je, entrant dans son jeu et l’interpelant sur les mots qu’il utilisait. Cela eut l’effet escompté car l’homme se calma doucement mais sûrement avant de se retourner vers nous en titubant, retrouvant ses douleurs présentes avant sa petite crise. Je fit passer l’un de ses bras au-dessus de mon épaule et l’aida à se rediriger vers l’intérieur des urgences. Regardant alors l’infirmière qui pouvait enfin souffler je lui dit en souriant.

« Nuit mouvementée ? J’espère que vous n’êtes pas en pénurie de glaces au service restauration, il risque de ne pas être très joyeux à l’idée que je lui ai menti.» Après tout, s’il suffisait d’une glace pour que le service hospitalier ait la paix avec lui jusqu’à la fin de la nuit, ce ne serait probablement pas un choix cornélien à faire pour eux.