Les jours se suivent et se ressemblent à Hawkins. Une routine protectrice dont ne se lasse pas Elizabeth depuis son retour, il y a déjà quatre années en arrière. Elle avait besoin de ça, de quitter la vertigineuse New York qui fourmille de monde, pour retrouver ses racines dans un cadre plus calme, où tout le monde ou presque se connaît. Après la mort de sa mère, elle rêvait de prendre son envol et de quitter Hawkins pour toujours, s'échapper de ce qu'elle pensait être un foutu piège à rat et aujourd'hui, elle réalise son rêve ici. Un sourire nostalgique accroché aux lèvres, elle referme son carnet de note et le glisse dans le tiroir de son bureau. Le dernier patient est partit il y a déjà un quart d'heure mais Lizzie prend toujours un peu de temps entre chaque séance, y compris la dernière, pour relire ses notes et faire un compte rendu précis pour chacun de ses patients.

Mais un coup d'œil à la pendule accrochée au-dessus de la porte la ramène à la réalité, de même que le grondement de son estomac qui s'éveille à l'approche de vingt heure. Lizzie se lève, attrape son sac à main et une pochette pleine de paperasse avant de quitter son cabinet. Elle referme la porte derrière elle, la verrouille comme à son habitude et râle lorsque la clé bloque dans la serrure. Voilà encore une routine qu'elle ne laisserait pour rien au monde, pas même par amour ou pour une grosse somme d'argent. Elle a maintenant compris que c'est à Hawkins qu'elle doit faire sa vie et nulle part ailleurs. Seulement ce soir quelque chose est différent dans l'atmosphère, un sentiment sur lequel elle ne parvient pas à mettre de mot lui tord l'estomac. Elle se sent observée, dans cette rue plutôt calme à cette heure-ci. Curieuse, elle resserre son emprise sur sa pochette et se retourne pour apercevoir un homme au loin, appuyé contre une voiture, sans doute la sienne.

Son cœur saute dans sa poitrine quand elle croit le reconnaître et qu'il commence à avancer vers elle, d'une démarche à la fois assurée et hésitante. Elle déglutit, figée sur place quand il prononce son prénom, ou du moins ce surnom que ses proches lui donnent. Le premier a l'avoir appelé comme ça, c'était son père et la voix de cet homme est similaire à celle du paternel disparu. Ses yeux se mettent à briller quand les larmes lui montent et elle relâche la pochette qui termine sur le sol dans une envolée de papiers qui s'écrasent sur le trottoir et le bitume, mais qu'importe. Il est là. Statique, elle ne peut que constater le temps qui a coulé depuis sa disparition et qui marque à présent le visage de son père de quelques rides. Elle le revoit vingt ans en arrière, en train de lui courir après lors de sa première balade en vélo pour s'assurer qu'elle ne chute pas. Elle le revoit encore lui apprendre à pêcher et l'aider pour ses devoirs. "-Pa...Papa ?" Ose-t-elle enfin dire d'une voix étouffée, les premières larmes pour dévaler son visage alors qu'elle glisse une main sur la joue de son père pour s'assurer de sa présence. "-C'est bien toi, papa ?"



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L'espace d'une envolée de secondes le temps se fige et les souvenirs explosent dans sa tête. Elizabeth pense rêver mais elle sait au fond d'elle que se pincer ne servirait à rien, qu'il est vraiment là devant elle. Plus vivant que jamais, le sourire familier pour étirer un visage plus âgé. L'espace d'un instant, Lizzie redevient la fillette de neuf ans qui a perdu son père dans des circonstances étranges. Ce père à qui elle tenait tant et qui lui donnait l'impression d'être non pas une princesse, mais une reine dans ce monde injuste. Alors elle ose glisser ses doigts un peu tremblants contre la joue d'Orion, soulagée de sentir le contact rugueux de sa joue mal rasée contre sa paume. Elle prend conscience qu'elle aussi a changé lorsque son père lui dit qu'elle est devenue géante et ça la fait rire.

Naturellement, Elizabeth se blottit dans l'étreinte de son père. Geste d'affection qui lui a tant manqué et qui fait redoubler les larmes de joies qui dévalent ses joues. Elle attend ce jour depuis tant d'années, convaincue que son père se trouvait bien quelque part, non loin d'elle. Comment aurait-il pu s'en aller sans dire au revoir ? Sans la moindre explication ? Ce n'était pas son genre de disparaitre comme ça et jamais, elle le sait, Orion n'aurait pu la laisser derrière lui. Ils étaient proche, une relation père-fille que beaucoup pouvaient idéaliser sans doute. Elizabeth relève un peu la tête quand son père relâche l'étreinte pour l'observer et la complimenter. Un sourire aux lèvres, elle ajoute en riant : "-Et toi, tu es vieux." Parce qu'elle aimait taquiner son père quand elle était enfant et que cela semble revenir naturellement. "-Tu m'as tellement manqué." Avoue-t-elle, la voix tremblante sous l'émotion.

Mais elle aperçoit un bracelet autour du poignet d'Orion, bijou confectionné par Lizzie dans sa jeunesse et son sourire se fait plus large encore. "-Tu l'a gardé tout ce temps..." Emue, elle frôle du bout des doigts le bracelet légèrement abîmé par le temps. L'autre main de son père se pose contre sa joue et il confirme ses doutes : il n'a jamais voulu partir. Elle hoche la tête vivement. "-Je te crois. Je le savais." Et c'est un soulagement de ne pas s'être trompée pendant tout ce temps. "-Je n'ai pas cessé de te chercher, de croire que tu finirais par revenir me voir un jour."



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Pas de jeunesse éternelle pour papa et pourtant, à ses yeux et dans son cœur, Orion est toujours le même homme. Quelques rides en plus certes, mais ce sourire familier et réconfortant pour faire briller son regard, celui qu'il posait sur elle avec fierté auparavant. Elle retrouve son père, sa chaleur, son aura sécurisante qui lui donne cette impression presque enfantine que rien ne pourrait lui arriver de malheureux. Elizabeth a toujours su au fond d'elle que ce jour finirait par arriver, convaincue qu'il n'était pas loin, toujours en vie quelque part dans le monde. Déjà petite elle ne cessait pas de le chercher partout, dans les visages des passants, sur les annonces des journaux, parfois même à la télévision. Des recherches vaines, sa mère lui disait parfois d'arrêter de perdre son énergie dans le vent mais Elizabeth ne pouvait tout simplement pas se résoudre à abandonner son père.

L'avoir devant elle aujourd'hui est sans doute le plus beau cadeau que l'univers puisse lui faire. Elle ne demandait rien de plus que de retrouver son papa un jour. En un seul morceau et tout aussi soulagé de la revoir. Bien sûr, elle aurait aimé que cet événement se produise bien avant, que le temps ne creuse pas un tel fossé entre eux. La question lui brûle les lèvres, curieuse mais surtout dans le besoin de savoir, de comprendre. Où était-il ? Mais Orion prend les devants, comme s'il pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert. Les explications viendront plus tard, l'homme n'a pas l'air certain lui-même d'où il était, du pourquoi s'est arrivé. Alors Lizzie hoche la tête, chassant les questions de ses pensées. Pas aujourd'hui, pas besoin de lui infliger un interrogatoire. "-Tu n'as pas besoin de m'en parler maintenant, peut-être même que tu ne seras jamais prêt à le faire et je comprend." Elle essaye de se montrer rassurante car pour elle, la seule chose qui compte vraiment c'est que son père soit de retour dans sa vie. Il n'y pas de rancune, pas de colère, pas même de tristesse, juste beaucoup de joie et de soulagement. Elle espérait que rien de grave ne lui soit arrivé et physiquement, il a l'air en forme. En revanche, Elizabeth n'imagine pas ce qu'il a pu traverser pendant toutes ces années, bien qu'elle perçoive le traumatisme dans sa voix. "-Viens, allons boire quelque chose."

Elle lui prend la main avec douceur, sa pochette pleine de papier sous le bras, et l'entraîne de l'autre côté de la rue. Un café tranquille qui fera l'affaire, le besoin presque vital pour elle de passer du temps avec son père autour d'une boisson. Comme avant. Comme toutes ces fois où Orion l'emmenait boire un chocolat chaud après l'école et qu'elle lui racontait sa journée, ses petites tracas de fillettes qui n'ont plus d'importance aujourd'hui. Il avait toujours le mot pour la faire sourire, lui remonter le moral et à son tour, il lui racontait sa journée. C'était de beaux moments. "-C'est moi qui paye !" Lance-t-elle en poussant la porte du café.



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