Elle voit le pauvre corps de Ray sursauter lorsqu'elle parle et doit battre l'envie de sourire face à la réaction, surtout que maintenant il se tourne vers elle, écoute ses ordres dans un salut militaire qui vient faire jouer un sourire amusé sur ses lèvres. "Repos, soldat." Freya glisse de son ton légèrement rauque, enroulé dans un filet d'accent. "Les meilleures idées, tout est relatif." Elle ne peut s'empêcher de faire remarquer en haussant un sourcil, le sac papier et les milkshakes maintenant posés sur la table. Lorsque Ray choisit ensuite la boisson à la fraise, elle lève un pouce dans sa direction pour noter qu'elle a entendu, occupée à aller déposer ses chaussures dans l'entrée, elle a presque envie de lui dire que c'est un excellent choix mais elle garde ses réserves. Elle les garde depuis la disparition d'Eleanor, ils les gardent tous les deux. "Je n'avais surtout pas envie de cuisiner," elle commence en étirant un regard vers Ray, le sourcil légèrement arqué, parce que c'est presque devenu une blague entre eux à ce stade. Même si elle joue à la femme parfaite et tente de maîtriser du mieux qu'elle peut ce rôle, elle n'a jamais réellement collé à la femme au foyer typique américaine, toujours à vouloir être occupé, à posséder un travail qui la garde plus en dehors de la maison que dedans, elle n'a absolument pas la main verte, oublie la moitié des courses quand elle va les faire, avec une qualité médiocre pour la cuisine. On ne l'a pas entraîné à être la meilleure derrière les fourneaux mais plutôt à passer sous silence un homme d'une centaine de façons différentes. Alors oui, elle pêche pas mal sur certains plans, mais Ray n'a jamais rien dit, il doit penser que c'est la façon danoise, ou alors le fait que ses parents l'aient quittés sans un mot à ses dix-huit ans. Peut-être. "Et je me disais que tu méritais un peu de repos aussi." Ca, c'est plus vrai. C'est forcément lui qui se serait retrouvé à cuisiner, la preuve avec sa tête déjà dans le frigo, à chercher quoi faire ce soir. "Juste une soirée tranquille." Freya repend en fronçant un peu ses sourcils, elle n'est pas sûre de pouvoir s'étendre davantage, elle a un peu peur de raisonner avec une logique tellement implacable qui la ferait passer pour un monstre dépourvu de sentiments qu'elle se retrouve toujours à ne donner que quelques mots, qu'une information superflue. Mais peut-être que Ray comprend, ça fait longtemps maintenant qu'ils vivent ensemble, plus de vingt ans, et malgré l'armée qui s'est glissée entre avec force en les éloignant, elle est sûre qu'il comprend. Parfois. Distraitement, la russe prépare les plateaux en même temps et repousse celui à la fraise pour que Ray puisse le prendre, Ray qui revient vers elle maintenant en lui disant qu'ils n'ont pas trop de choix de films, et c'est vrai que leur réserve est assez minime, ils n'ont pas vraiment le temps pour ça, et elle préfère lire de toute manière. Ca aussi, on peut le retirer de la femme au foyer parfaite, de la ménagère qui est fan de son nouveau poste de télévision et des innombrables pubs et télé-achats. "On verra bien, oui," elle souffle en réponse, un léger sourire sur le coin de ses lèvres lorsqu'il l'embrasse sur la joue et elle laisse ses doigts glisser sur son bras avant de venir récupérer son plateau à son tour et de le rejoindre dans le salon. Le plateau posé à côté du sien, elle s'installe dans le canapé en glissant une jambe sous ses fesses en attirant un peu la table au canapé pendant que Ray regarde les films. Une moue clairement ennuyée se peint sur le visage de la russe qui pose son regard sur son mari ensuite. "Une comédie musicale, vraiment ?" Elle demande en attrapant une frite pour venir mordre dedans, réfléchissant un peu avant de secouer la tête. "Il doit bien y avoir quelque chose à regarder à la télé." Elle fait remarquer en allumant le poste de télévision et glisse le reste de frite dans sa bouche avant d'attraper une serviette pour essuyer ses doigts et tapote la place à ses côtés en invitant Ray à la rejoindre. "Pas de prise de tête, on va juste continuer de changer de chaîne jusqu'à trouver quelque chose qui nous plaît. Peut-être qu'on va tomber sur un épisode de Hill Street Blues." Freya reprend dans un petit sourire, la série policière avait au moins le don d'être pas mal reconnue, et de recevoir pas mal de distinctions. C'est une série qui se laisse prendre une fois que c'est lancé. "Ou une rediffusion du Muppet Show. Je sais même pas pourquoi ils ont arrêté cette série si c'est pour la rediffuser autant." Elle marmonne finalement en regardant les différentes chaînes avec un certain scepticisme et continue de manger distraitement des frites en même temps. "Comment ça a été ta journée ?" Freya rajoute finalement, glissant un léger regard vers Ray, essayant de ne pas l'attirer vers le piège concernant leur fille. "Ta mère va bien ?" C'est vrai que maintenant que son mari était revenu, elle n'était plus réellement passer voir sa belle-mère, à qui elle rendait visite souvent avant.

Le coeur encore affolé par le début d’infarctus que la discrétion de Freya lui avait causé, Ray reprit sa respiration avec douceur et se laissa ensuite aller au salut militaire initié par sa femme. Un léger sourire à peine perceptible se dessina dans le creux de ses lèvres, et il baissa ensuite sa main avec la même rigueur qu’à l’armée pour mieux se tourner vers elle. Son idée de ramener à manger n’était clairement pas pour lui déplaire, et il fronça un peu des sourcils à sa réponse. La relativité. Il ne savait plus très bien ce que ça voulait dire depuis son retour, et il faisait surtout de son mieux pour être présent pour Freya sans lui transmettre sa propre culpabilité. “Les meilleures.”, qu’il vint répéter dans un souffle sans la moindre hésitation, sans savoir si elle l’avait entendu avec son aller-retour pour poser ses chaussures. “Je comprends. T’as eu raison.”, affirma-t-il ensuite dans un hochement de tête un brin dramatique. S’il y avait bien une chose que Ray n’avait jamais voulu dans leur couple, c’était d’imposer des normes sociales, des choix, ou un style de vie qui ne conviendrait pas à Freya. Et la cuisine en faisait partie, même si son absence à l’armée n’avait clairement pas laissé une grande possibilité pour lui enlever cette responsabilité-là au quotidien. Après il faisait de son mieux à chaque fois qu’il revenait, et ça semblait plutôt bien fonctionner entre eux de cette façon. Cette histoire de repos le prit un peu de court par contre, parce qu’il n’avait pas tellement l’impression d’être très utile dernièrement. Il passait certes son temps à chercher leur fille en s’imposant un semblant de rythme dans la journée, mais il n’était pas non plus débordé. Pas physiquement du moins, mais parler de l’émotionnel n’était probablement pas une bonne idée et c’était bien là où il rejoignait les propos de Freya. Il se contenta d’hocher de la tête vers la rousse, avec une tentative de sourire qui n’avait rien de convainquant. “Une soirée tranquille.” Il approuvait avec douceur, n’ayant pas l’envie de la contredire de toute manière. Ils se comprenaient malgré le manque de communication depuis son retour, en tout cas il l’espérait, et passer une soirée à deux ne leur ferait certainement pas de mal. Il lui devait bien ça dans tous les cas, parce que s’isoler dans un mutisme et un rythme de recherches sans rien obtenir allait juste finir par les éloigner encore plus s’il ne faisait pas gaffe. Il déposa un baiser sur sa joue en venant récupérer son plateau, le déposant ensuite sur la table basse du salon pour regarder les films à leur disposition. Soit…pas grand-chose, leur collection était d’un ridicule que personne n’allait envier. “La prochaine fois, je t'emmènerai au cinéma.” Oui. Histoire d’avoir plus de choix et de garder un pied à terre avec la réalité. Puis ça leur ferait une sortie sympa aussi, et ils en avaient besoin. Sans doute. Il se posa à côté d’elle sur le canapé, la laissant trouver la chaîne qu’elle cherchait pour les programmes ensuite. Tout lui irait à ce stade, et il avait tellement de retard sur les programmes avec l’armée qu’il n’était pas vraiment d’une grande aide. “Tu me feras un résumé des épisodes précédents alors.” Il glissait vers elle, légèrement amusé de sa proposition. Quant au Muppets… “C’est pour mieux qu’on apprécie le chef-d'œuvre, c’était trop en avant de son temps à l’époque." Bien évidemment. Kermit la grenouille amoureux de Piggy la cochonne, c’était de l’art incompris. “Et puis tout le monde aime les Muppets.” N’est-ce pas. La question de la rousse le ramena assez vite à la réalité après, et il attendit quelques secondes avant de répondre pour être sûr de ne pas tomber dans le piège de mentionner leur fille et passer sur une soirée de déprime. “Je crois que tu lui manques.”, lâcha-t-il simplement, en posant son regard dans le sien. Sa mère adorait Freya depuis le début, et elle avait surtout pris l’habitude de la voir plus que lui. Et maintenant qu’elle avait plus de 80 ans, elle ne comprenait surtout plus tout ce qui se passait autour d’elle, comme la disparition d’Eleanor qu’elle disait “en vacances” loin d’Hawkins. “Elle voulait nous faire une tarte pour ce soir mais elle s’est rendue compte que son feuilleton était plus important.” Donc elle allait bien à son échelle, elle vieillissait juste. “Et toi ta journée?” Il demandait, un léger sourire vers sa femme en venant prendre une première frite entre ses doigts. Parce que reporter l’attention vers elle était plus simple que de lui avouer que ses journées étaient plus difficiles les unes que les autres, et qu’il s’inquiétait que ce soit le cas pour elle aussi.