Hawkins est une ville bien curieuse, et Two ne semble jamais s'en lasser, du peu qu'il a pu apercevoir depuis son évasion et son arrivée en ville. De là où il se trouve, il peut admirer le ciel et les étoiles comme jamais auparavant, et cela le fascine comme un gamin qui se retrouve en plein devant un sapin de noël. Et c'est bien ce qu'il est : un gamin qui découvre le monde, après quatorze années d'isolement. Two n'a jamais aperçu les étoiles que dans des livres, et ces derniers ne rendent nullement justice à leur beauté. Impossible de les apercevoir au travers les fenêtres inexistantes des sous-sols, condamnant chaque cobaye à contempler ces mêmes murs blancs et aveuglant. C'est ce genre de petits miracles qui poussent Two à être plus prudent, et à ne pas s'aventurer trop près du centre-ville. Ce qui peut sembler ironique, quand on sait que la ferme qu'il squatte ne se trouve qu'à quelques mètres entre ce qui le sépare de la forêt et du laboratoire. Mais le centre-ville signifie beaucoup trop de monde pour le reconnaître - dont des membres du personnel et autres scientifiques. Il lui a semblé en entrevoir un au détour d'une ruelle quelques jours plus tôt. Mais cette vision lui a également permis de ressentir ce lien qu'il cherche depuis deux semaines déjà. Four est quelque part par là, et plus il s'avance en ville, plus leur connexion se rétablit, s'intensifie. Son coeur se resserre, une bribe d'espoir le gagnant de toute part - il n'allait plus être seul !

Deux semaines depuis leur évasion et leur séparation forcée, Two s'en est posé des questions: le laboratoire a-t-il réussi à mettre la main sur Four et le ramener ? A-t-il été tué ? Il n'a jamais voulu croire à aucune de ces options, convaincu qu'il ne cherchait pas au bon endroit. Et c'est bien le cas, apparemment. Four est bien vivant, et en sécurité. Alors Two sort de plus en plus de sa cachette, afin de renforcer leur lien et leur pouvoir, et de le localiser. Il sait que Four le cherche également, et ce n'est plus qu'une question de temps avant qu'ils ne se retrouvent. C'est la raison pour laquelle Two s'aventure dans les allées sombres de la ville en plein milieu de la nuit, loin des regards indiscrets. Four est tout proche. Il ne fait même pas attention, laissant ses pas le guider, son instinct ayant pris le dessus. Leur lien psychique fait tout le travail à leur place, cherchant à les rapprocher le plus rapidement possible. Et c'est là qu'il l'aperçoit : la piscine municipale. Two fuit généralement cet endroit, ce dernier lui rappelant bien trop les réservoirs de privation sensorielle auxquels lui et ses compagnons d'infortune étaient sujets. Mais Four est là. Il le sait. Les lieux sont verrouillés, mais Two n'a aucun mal à forcer la serrure. Prenant une forte inspiration, il pénètre les lieux, contemplant les moindres recoins.

Four ? Tu m'entends ? Qu'il demande, télépathiquement. Une réponse enjouée lui parvient aussitôt, et il ne peut s'empêcher d'avoir le sourire aux lèvres. Enfin ! Accélérant le pas, Two bifurque vers les vestiaires, et c'est là qu'il l'aperçoit: Four, dans toute sa splendeur.

Soulagement. Bonheur. Euphorie. Tant d'émotions pour décrire ce que ressent Two en cet instant précis. Soit, deux semaines, ça ne paraît pas si long que ça, mais pour l'adolescent, ces quinze jours se sont transformées en une longue agonie alors qu'il se demandait si son meilleur ami et frère de coeur allait bien. Deux semaines sans nouvelles, sans moyens de communiquer. Avec une menace pesante et suffocante guettant leurs moindres faits et gestes. Et bien qu'ils aient réussi à semer le laboratoire jusqu'à présent, Two a conscience que leur chance ne peut durer indéfiniment. A plusieurs reprises, il lui est arrivé de songer à partir, de s'incruster à l'arrière d'un camion et d'attendre que celui ne l'amène loin, très loin d'Hawkins. De changer d'identité et de recommencer une nouvelle vie. Mais il n'a pu s'y résoudre avant de retrouver Four. Maintenant qu'ils sont réunis, c'est l'occasion idéale. De quoi tirer un trait définitif sur leur passé, et sur leurs bourreaux.

Aussi, lorsque la voix de Four retentit dans son esprit, Two sait qu'une partie de son tourment est terminé. Il lui a profondément manqué. Un vide intersidéral dans son coeur, son âme, mais également dans son esprit. Tous deux sont liés depuis bien trop longtemps pour être ainsi séparés. Ils n'ont jamais connu qu'une très grande proximité, et leur existence, leurs dons, ne sont décuplés que lorsqu'ils sont proches l'un de l'autre. Un bond émotionnel et psychique que même les scientifiques du laboratoire n'ont jamais su expliquer. Petit ?! On fait la même taille ! A deux ou trois centimètres près, mais Two a toujours refusé de les compter, et ce n'est pas demain la veille qu'il le fera. Après tout ce temps, cela fait un bien fou de pouvoir le taquiner à nouveau. La solitude n'a jamais été le fort de Two, après tout. Et lorsqu'une tornade blonde s'empare de lui, le serrant de toutes ses forces, il ne peut s'empêcher de laisser un rire lui échapper. J'avais peur qu'il te soit arrivé quelque chose également. Et en le regardant de plus près, Two remarque très vite que Four s'en sort mieux que lui. Propre, reposé. Two, quant  à lui, a l'air d'être tout droit sorti d'un film apocalyptique. La seule chose qu'ils ont en commun c'est cette chevelure, qui, en l'absence du laboratoire, pousse un peu plus chaque jour. On aperçoit même un début de boucles sur la tête du blondinet. J'ai trouvé refuge dans une vieille ferme non loin du laboratoire. Jusqu'à présent, ils n'ont jamais réussi à me trouver. Et il en a vu, des soldats, passer dans le quartier, non loin de là où il se terre. Personne ne l'a jamais repéré. Et je vole ce que je peux quand j'en ai l'occasion. Il y a cette fille aussi, pas très loin de la forêt, toujours heureuse de me prêter ce qu'elle a à manger. La conception du bien et du mal en ce qui concerne le vol ne leur a jamais été inculqué, aussi Two ne s'est jamais senti coupable de dérober à ses voisins ou à un touriste égaré. Cela dit, il reste éternellement reconnaissant à Opal, d'être toujours là quand il a besoin d'elle - que ce soit pour lui piquer son goûter ou pour discuter. Et toi alors ? Tu as l'air de mieux t'en sortir que moi, on dirait. Si son air est taquin, Two ne peut s'empêcher d'être soulagé. Il a toujours perçu tous les autres numéros comme ses frères et soeurs, étant l'un des plus vieux, mais également le tout premier numéro après... et bien après One. Mais celle-ci a disparu il y a bien longtemps. Alors que Four ait connu deux semaines de répit, malgré l'anxiété d'être retrouvé, cela ne peut que le soulager. Il le mérite amplement. Dis-moi absolument tout.

Une seule personne vous manque, et tout est dépeuplé. Il ignore où il a lu cette citation - sans doute dans un des livres poussiéreux de la ferme qu'il squatte actuellement - mais il se dit qu'elle n'a pas tort. Les deux semaines suivant leur évasion ont été aussi chaotiques que relaxantes. Paisibles pour être libéré du joug et de l'emprise du laboratoire. Mais douloureuses par cette absence constante. Et s'il n'avait pas la certitude d'avoir été retiré à sa famille bien plus jeune, s'il n'avait pas des bribes de souvenirs de cette époque-là, Two aurait pu être convaincu que Four était un frère caché. En cinq minutes de temps, juste le temps pour leur connexion psychique de se reformer entièrement, c'est comme si un poids énorme s'était libéré de ses épaules. Two n'a jamais compris ce lien télépathique qui les relit et qui semble unir leur esprit tout comme leur âme. À vrai dire, personne au laboratoire ne l'a jamais réellement compris non plus. Deux anomalies parmi les étrangetés.

La ferme où je suis n'est pas trop abandonné pour ne pas inspirer méfiance, mais inhabité depuis assez longtemps pour être tranquille. A première vue, même Two a cru qu'elle était habitée. Ca a été un énorme soulagement de constater que ça n'était pas le cas. Le plan idéal. De quoi se cacher à la vue de tous. Oui, je n'ai pas bougé depuis. Tu me connais. M'avancer trop en ville ne m'inspirait guère confiance. Bien plus de monde qu'à l'écart, au milieu des champs et des potagers. Bien trop de risque d'être vu. Opal est la seule en qui j'ai confiance. Personne d'autres ne m'a vu, ou du moins, ne se souvient de moi. Je prends bien le soin de ne pas laisser leur souvenir intact. Inutile d'alerter les habitants ou quelconque forme d'autorité en contact de près ou de loin avec le laboratoire. Se trouver aussi proche de celui-ci sans arrêt n'est déjà pas chose aisée, Two n'a aucun désir de leur faciliter la tâche en les menant droit vers sa cachette. Opal est la seule privilégiée, bien qu'elle non plus ne sache pas grand-chose à son sujet. C'est mieux ainsi, pour elle comme pour lui.

Voir la piscine. À ses mots, le coeur de Two s'accélère et sa respiration se fait difficile. Les mains qui tremblent, il tente de calmer son stress, alors que Four s'empare de l'une de ces mêmes mains, ne lui laissant pas le temps de répliquer ou de protester. Two lui emboîte le pas, complètement muet, incapable de quoique ce soit tant la terreur le prend aux tripes. Il sait que c'est idiot, que ça n'a rien à voir. Mais dans sa tête, il aperçoit toujours ces mêmes caissons où on les enfermait des minutes, des heures durant. Pour espionner. Pour les pousser à leur limite. Et son instinct lui hurle de fuir le plus loin possible. Il ne peut pas. Il a les pieds ancrés au sol, les bras le long du corps, alors qu'il regarde Four se dévêtir, sans la moindre appréhension. Il admire la joie de vivre de son ami. Le fait qu'il ne laisse pas leur tourment et leur mauvais souvenir venir entacher cette insouciance. Tu viens Two ? Il aimerait dire que oui. Mais la terreur dans son ventre et la panique dans sa tête lui hurle que non, et de prendre ses jambes à son cou. Il déglutit avec difficulté, avant de retirer ses chaussures. Les pieds dans l'eau. C'est bien là tout son maximum.

Il écoute Four parler, un peu distrait, alors qu'il jauge l'eau du regard, pas du tout rassuré. Les chaussures retirées, il enlève ensuite ses chaussettes. Et reste figé pendant bien dix secondes - qui lui semblent être une éternité - avant d'inspirer profondément et d'immerger ses pieds et le bas de ses jambes dans l'eau. Certes, cela n'a rien de complexe, mais Two s'estime déjà heureux d'un tel effort. On verra pour le reste un peu plus tard. Quand son coeur ne menacera plus de faillir sous la frayeur et les souvenirs qui le tourmentent. C'est à ce moment-là qu'il entend quelque chose de plutôt curieux. Attends, un garde ? Sérieusement ? Après ce type, chargé du ménage, qui les avait aidé à fuir, voilà qu'un garde joue les nourrices. Two fronce des sourcils, se mordillant les lèvres. Il ne peut s'en empêcher, la paranoïa le gagne sans arrêt. Mais si Four le juge digne de confiance, alors Two veut bien lui donner le bénéfice du doute. Je... c'est gentil mais... je sais pas. Peut-être plus tard. De un, il ne veut pas s'imposer. Et de deux, et bien il ne veut pas être confronté à un employé du laboratoire. C'est son instinct de survie qui s'impose, sans doute.

La suite du récit de Four laisse Two sans voix, les yeux écarquillés. S'il se souvient de cette créature étrange ? Bien évidemment. Sans elle, tous deux seraient probablement toujours au laboratoire. Mais le souvenir de celle-ci le fait toujours autant frissonner. Horrible, répugnante. Terrifiante. Qu'il y en ait une multitude dans un endroit étrange et inconnu n'a rien de très rassurant. Tu n'as pas à t'excuser. J'ignore comment tu as survécu à tout cela, mais je suis ravi que ce soit le cas. A sa place, Two doute sérieusement qu'il soit encore en vie. Donne-moi la main. Two se fige à nouveau. Il va devoir entrer entièrement dans l'eau. Son coeur s'emballe à nouveau. Mais ils ne sont plus au laboratoire. Ils sont en sécurité, ici. Et Four ne le laissera jamais tomber. Fermant les yeux, il prend une nouvelle inspiration et plonge dans l'eau, avant de prendre la main que lui tend son meilleur ami.

Tétanisé de la tête aux pieds, Two ne peut qu'observer l'eau qui l'entoure, sans même oser faire le moindre mouvement. Les souvenirs l'assaillent de toutes parts, menaçant de le faire suffoquer. Les masques de combinaison, les caissons fermés, les visions dont il ne voulait pas... c'en est trop pour lui, qui s'est juré de mettre tout ça derrière lui. Et malgré tout, le laboratoire continue de hanter ses nuits. Insomnies et cauchemars sont monnaie courante depuis leur évasion, et il peut passer des heures entières à fixer le plafond sans que le sommeil ne vienne le trouver, condamné à être assailli par son passé. Pensées intrusives qui ne le quitteront jamais vraiment, sans doute. Ce n'est pas comme s'il pouvait se débarrasser entièrement de tout ça, de toute manière. Les pouvoirs, le tatouage, sont des signes qui ne trompent pas. A cette pensée, il baisse les yeux vers son poignet, où les chiffres sont gravées à même la peau. 002. Non, il ne pourra jamais s'en démarquer. Et bien qu'il ait grandi avec, il le hait tout autant. Le laboratoire continue toujours de le hanter, et ce traumatisme n'est pas décidé à l'abandonner de si tôt. Two ne veut plus avoir en entendre parler ; le voir dépasser de la cime des arbres suffit à lui donner la nausée. Et savoir que Four réside actuellement avec un des employés le met profondément mal à l'aise. Bien sûr, tous ne sont pas cruels, et beaucoup sont même inconscients de ce qui se trame dans les sous-sols. Mais cet homme est un garde, et Two est bien trop paranoïaque pour ne pas rester sur ses gardes. Si Four n'est en rien naïf, il fait parfois un peu trop confiance aux autres. Je sais qu'il t'a aidé mais... mon instinct me dit de ne pas me précipiter trop rapidement. En réalité, sa paranoïa lui hurle de fuir et de tout abandonner. Mais il ne peut pas faire ça à Four. Ils ont besoin l'un de l'autre. Le regard de ce dernier est d'ailleurs suffisant pour que Two se sente coupable. Bien sûr que je veux qu'on soit ensemble ! C'est juste... Two se mord les lèvres, ignorant comment expliquer ce sentiment de panique qui le ronge de l'intérieur à la mention de quelqu'un du laboratoire. Ce n'est sans doute pas rationnel de se méfier ainsi de tout le monde, mais Two ne peut s'en empêcher. La peur d'être retrouvé et renvoyé chez ses geôliers le terrifie. Je... laisse-moi quelques jours pour y réfléchir ? Je t'en fais la promesse : maintenant qu'on est de nouveau tous les deux, je ne quitte plus d'une semelle. Il est des plus sincères. La simple idée de devoir à nouveau se séparer de Four lui file des angoisses. Et bien qu'il ait conscience de devoir retourner à le ferme sans lui, le savoir proche à seulement quelques mètres de là le rassure énormément. Cela facilite grandement leur conversation, et Two se conforte en sachant que Four est en vie, et en sécurité. Que ce soit chez un garde ou non. Two ne peut totalement abandonner son appréhension, mais il fait des efforts.

Two est d'autant plus rassuré de savoir que Four est sorti indemne de cet endroit étrange et hostile. Enfin, plus ou moins. Ils t'ont mordu ? Tu vas bien ? Cela ne s'est pas aggravé ? Trop de questions lui traversent l'esprit, toutes en rapport avec son inquiétude. Que Four en soit sorti avec tous ses membres intacts est une chose, mais Two ne souhaite pas que ses blessures s'infectent. D'un autre côté, il se dit que ce garde (dont il ignore toujours le nom) a probablement dû prendre soin de guérir ces plaies. Une part de jalousie gagne soudainement Two, à l'idée que Four ait pu le remplacer. Mais il chasse cette idée très rapidement - c'est idiot, après tout. Surtout lorsque Four le prend dans ses bras, conscient de sa peur de l'eau. Two ignore ce qui l'a poussé à immerger tout son corps ainsi - un réflexe sans doute, un vestige du laboratoire. A la différence près qu'ils ne sont en rien enfermés, comme le lui murmure Four. Two inspire profondément, essayant par tous les moyens de calmer son coeur et ses mains tremblantes. Et puis, tout un flot d'images gagne son esprit: des vignes dotées de conscience, de la cendre tombant du ciel, et ces créatures si terrifiantes. En entendre parler est une chose, le voir en est une autre. Two prend réellement conscience de ce que son ami à traverser, et cela le terrifie. C'est encore plus miraculeux, à ses yeux, qu'il y ait survécu, bien qu'il en soit reconnaissant.

La vision prend fin, les illusions avec elle, le monde reprenant son apparence normale, générale. La piscine est de nouveau remplie d'eau, les vignes disparaissent, et l'air n'a plus rien de son apparence cendrée et toxique. Il n'y a rien là-dehors, aucune tempête, aucun danger. Le ciel n'a rien d'un nuage rouge constant et menaçant, mais reflète les étoiles. Le seul bruit que l'on peut discerner est celui de l'eau et de sa respiration haletante à lui - ainsi que quelques crickets à l'extérieur. Woah... c'était... woah. Tu m'impressionnes tu sais, d'avoir survécu à tout ça et de garder ton optimisme, ton énergie. Two l'envie énormément. A sa place, il n'est pas sûr d'avoir pu en ressortir indemne, que ce soit physiquement ou psychologiquement. Et bien que la présence de Four le détende, Two ne peut s'empêcher de s'agiter, se dirigeant vers le bord de la piscine, histoire de sortir de l'eau le plus vite possible. Il a fait un effort oui, mais cela va prendre du temps avant qu'il ne panique plus du tout. Et bien qu'il soit trempé jusqu'aux os, il se sent bien mieux sur le carrelage bleu. Mes aventures à moi étaient bien plus calmes, tout compte fait. Bien que vivre avec la peur au ventre qu'on vous retrouve n'est pas non plus chose aisée, Two s'estime heureux et chanceux.

Se secouant les cheveux à la manière d'un chien, il observe quelques instants le plafond, perdu dans ses pensées. Dis-moi en plus sur ce garde. J'ai besoin de savoir qu'il ne t'arrivera rien. La paranoïa et la méfiance de Two refusent de le laisser tomber le sujet. C'est un besoin viscéral que de s'assurer que Four est bel et bien en sécurité, et que ce garde ne leur joue pas un mauvais tour - ce serait loin d'être le premier ! Et, qui sait, peut-être se laissera-t-il convaincre ? Il en doute, mais ça aura de quoi le faire réfléchir. Two a besoin de connaître les faits, et d'analyser la situation. Il ne veut pas laisser Four tout seul, mais son cerveau l'empêche catégoriquement de voir la raison en face. Quelques jours seulement. Il se le promet. Cela ne prendra pas beaucoup de temps, mais il doit vraiment se faire à l'idée que quelqu'un soit là pour les aider et que cela n'a rien d'un piège.

Two se questionne souvent sur ce qu'aurait pu être sa vie s'il n'y avait pas eu le labo. Il a conscience que c'est là un questionnement bien inutile, fertile. Il ne peut changer le passé, malgré toute sa bonne volonté et ses pouvoirs. C'est à peine s'il se souvient de sa vie d'avant. On leur a souvent rabâché les mêmes histoires : que leur famille toute entière était décédée et qu'il n'y avait que laboratoire qui importait. Mais Two a toujours eu des doutes. Des bribes de souvenirs qui le font se questionner sur la chose. Il se dit qu'il aurait été une toute autre personne. Moins craintive, moins paranoïaque, sans aucun doute. Plus épanouie, aussi, très certainement. Et s'il aime se perdre dans des rêves illusoires, Two finit toujours par retourner sur la terre ferme. Cette vie n'est pas la sienne, elle ne l'a jamais été. Non, Four est sa seule famille. Et s'il regrette les conditions dans lequel tous deux ont évolué, il se considère également chanceux de l'avoir rencontré. Il sait qu'il ne sera jamais aussi fusionnel avec une autre personne dans sa vie. Leur lien est immuable, éternel. Tu ne te débarrasseras pas de moi aussi aisément, le ton se veut joueur, taquin. Tout pour éliminer cette moue et cette déception du visage de Four. Two ne veut pas qu'il soit triste. Surtout pas par sa faute. Tant que tu promets que tu ne m'as pas remplacé... Car oui, la plus grande peur de Two, c'est d'être relégué au second plan - que Four ne le considère plus comme sa moitié, comme son meilleur ami. Que l'on ait plus besoin de lui.

Savoir que Four a du survivre à l'impensable, à l'enfer, alors que Two apprenait à découvrir son nouvel environnement n'est pas pour le rassurer non plus. Savoir qu'il y a cet autre monde quelque part, aussi fascinant soit-il, l'effraie, tout comme la possibilité que ce monde puisse un jour fusionner avec le leur. Et c'est fort possible, il n'y a qu'à voir l'incident avec la créature, quelques semaines plus tôt. Si cela a causé une diversion assez grande pour leur permettre de fuir, Two n'est clairement pas rassurée à l'idée de savoir que ces choses peuvent aller et venir comme bon leur semble à l'aide de portails. Il en frissonne déjà. Leur seul avantage, à Four et lui, réside dans le fait qu'ils n'ont aucunement besoin d'armes. Ils sont des armes à part entière. Un autre exemple des dégâts engendrés par la folie de scientifiques. Non vraiment, Two ne porte pas le laboratoire dans son coeur. A la mention de Milo, Two réprime une grimace. Une énième façon de rappeler à Two qu'il n'a pas été là pour son frère de coeur. Que quelqu'un d'autre, une personne qui, par toute logique, devrait être leur ennemi, l'a été à la place. Il en a des hauts le coeur. Oh... je vois. Au moins, tu vas bien, c'est le plus important. Two tente de demeurer neutre et jovial dans ses paroles, mais les mots semblent le trahir. S'il est soulagé que Four soit, effectivement, hors de danger, la jalousie lui ronge toujours les entrailles, et ce même si cela n'a aucun sens. Je ne suis pas certain de partager ton avis sur la question. C'est vrai que c'est intriguant, mais il y a d'autres endroits à découvrir et à explorer tu ne penses pas ? Dans son esprit, Four et lui quittent Hawkins pour ne jamais y revenir. Ils passent de ville en ville, le plus loin possible, tout en découvrant ce que le monde (ou bien les Etats-Unis, du moins) a à leur offrir. Inséparables, pour le meilleur et pour le pire, pour toujours. Et cet autre monde ne fait pas partie de ses projets de vacances. Il n'y a vraiment pas de soleil ou de jour là-bas ? Seulement un ciel noir et un orage perpétuel ? C'est quelque chose qui l'intrigue grandement. Two adore le soleil, se levant toujours aux aurores pour l'apercevoir apparaître dans le ciel au petit matin. Un plaisir simple et bien souvent pris pour acquis, mais qu'on ne leur a jamais offert au laboratoire. Two profite de chaque instant hors de ces murs.

Que Four ait trouvé un refuge ait une bonne chose. Un peu de positivité dans tout ce chaos. Mais fallait-il qu'un garde le retrouve ? Non vraiment, plus Four explique la situation, moins Two se sent rassuré, et il ne peut s'empêcher de se ronger les ongles en l'écoutant. Milo... qui qu'il soit, Two réserve son jugement. A ce stade, c'est 40/60. Plus de doutes que de confiance, donc. Mais qui sait, la situation peut bien changer. Si Two cesse sa paranoïa et sa jalousie chronique. Finn ? C'est joli. Et honnêtement ? Two n'a même pas cherché à se trouver un prénom. Cela ne lui a même pas effleuré l'esprit. Mais c'est d'une logique imparable. Personne n'a pour prénom un chiffre. Il devrait s'en choisir un lui aussi. Thomas? Tim? Theo? Il n'a aucune idée de ce qui est acceptable ou non, pensant simplement aux prénoms qu'il a entendu au détour d'une rue ou aperçu dans un livre. Je devrais en choisir un aussi, probablement. Au moins pour ne pas avoir l'air stupide quand il doit se présenter à quelqu'un. Un instant, il pense à Opal. Voire même à Archie. Ils doivent s'en poser des questions, avec un prénom pareil. Et puis ça lui permettra de passer plus aisément inaperçu, au moins. Un chat ! Il en a aperçu un rôder dans le coin, toujours à hérisser le poil et à lui miauler dessus quand il s'en approche. Comme s'il pouvait ressentir que Two n'est pas tout à fait "normal". Two le déteste. Raison de plus pour ne pas approcher de l'appartement de ce Milo. Aucune envie de se faire défigurer par une créature pareille, merci bien. Mais il peut bien voir à quel point une telle rencontre ravit Four - à quel point il en a besoin. Peut-être a-t-il été trop rapide sur son jugement. Peut-être Milo mérite le bénéfice du doute. Peut-être. Two ne sait plus quoi en penser, mais cela ne l'empêche pas de rester sur ses gardes. Ca semble être trop beau pour être vrai. Un instant, il jette un regard furtif à la piscine, et à cette immensité d'eau. Cela le traumatise autant, mais s'il est prêt à faire des sacrifices pour Four en venant ici et en s'immergeant entièrement, il se dit qu'il est sans doute temps pour lui de laisser de côté ses appréhensions et de prendre des risques. Conflit interne qui lui donne mal à la tête, il ne sait tout simplement plus quoi en penser. Deux semaines maximum. Voilà ce qu'il se promet. Cela lui donne amplement de temps pour réfléchir. Il a l'air vraiment sympathique, c'est vrai. Et il n'a pas tort, de vouloir que tu n'attires pas l'attention. Car même avec les cheveux qui repoussent et des vêtements propres, ils se démarquent toujours du commun des mortels.

Toujours désireux de mettre le plus de distance possible entre lui et l'eau, Two se rapproche des deux distributeurs automatiques sur sa gauche. Ce trop plein d'émotions lui a donné faim, et il n'a pas mangé depuis le matin même. D'un coup de télékinésie furtif, il secoue les deux distributeurs dans un fracas assourdissant, les friandises et boissons venant s'écraser contre les parois avant d'atterrir dans le bac un peu plus bas. Two y plonge la main, en ressortant avec un butin plus que satisfaisant. T'as sans doute eu l'occasion d'y goûter plus que moi. Tu me conseilles quoi ? qu'il demande, en présentant divers paquets de sucreries, en passant par les m&ms ou les mars. Le seul truc qu'il reconnaît dans tout le lot, ce sont les kit-kat. Et le coca-cola. Opal lui en a offert plusieurs fois. C'est bien mieux que tout ce qu'ils avaient à offrir au labo, tu ne crois pas ?, qu'il plaisante, un sourire sur les lèvres, avant de s'emparer d'une canette. J'espère que Milo ne t'interdit pas ce genre de plaisir. Les repas fait maison c'est bien - les sucreries, c'est encore mieux. Tu as une chambre pour toi tout seul ? Aucune caméra dans celle-là, j'espère. Oui, c'est là encore une hantise de Two. De n'avoir aucune intimité, aucune vie privée. Le laboratoire s'est toujours assuré de les garder sous surveillance constante, après tout. Après plusieurs jours de liberté, il ne supporterait pas que Four doive de nouveau y renoncer.