Opal écoute les explications de Bonnie au sujet du budget, des sponsors et du matériel. Ça ressemble beaucoup à ce que ses parents lui ont expliqué au sujet de leur propre travail. Plus ils font des découvertes intéressantes, plus ils ont de l’argent pour continuer et peuvent ainsi s’acheter du matériel plus perfectionné pour faire des expériences encore plus poussées. Et des découvertes intéressantes, ils ont dû en faire des tonnes ou alors une seule mais énorme pour avoir été repérés et engagés par le gouvernement. Parce que les sciences marginales, comme leur nom l’indiquent, ne sont pas au centre des préoccupations de l’état.  Ils n’ont pas eu le droit de parler de leurs découvertes à leurs enfants, ni sur quel projet ils allaient travailler dans le laboratoire national de Hawkins. Opal, elle, doit se concentrer sur le lycée. Il lui faut intégrer rapidement tout un tas d’informations et de comportements. Avoir des camarades de classe autre que ses frères et sœurs, avoir plusieurs professeurs qui ne sont pas ses parents, devoir rester assise sur une chaise, devoir lever la main pour avoir la parole, ne pas pouvoir se lever quand elle en éprouve le besoin, ne pas pouvoir demander à faire une pause, ne pas choisir la matière ni l’horaire… La liste est longue. Mais au moins elle a été bien accueillie. On la regarde avec de grands yeux ronds quand elle explique qu’elle n’est jamais allée à l’école avant, quand elle raconte comment se déroulaient ses journées de « cours » à la maison mais ce n’est pas désagréable. Les élèves et les professeurs sont gentils avec elle. Le premier jour, elle s’est perdue et une fille qu’elle ne connaissait pas lui a gentiment indiqué le chemin. Elle s’appelle Billie. Grands yeux bleus et de très longs cheveux bruns. Un visage rond, comme celui d’une poupée, constellé de taches de rousseur. Grâce à cette fille, elle n’est pas arrivée en retard à son cours. Autrement elle se serait tout de suite fait mal voir par son enseignant. Les cheerleaders sont appréciées et solidaires, lui assure Bonnie. « Oui j’ai cru remarquer ça. Elles m’ont invitée à une soirée. C’est vraiment gentil de leur part. » Elle est enthousiaste à l’idée de s’y rendre. « Leur uniforme est mignon. J’ai hâte de pouvoir le porter. » Opal a remarqué les regards des autres élèves lorsque les filles passent dans les couloirs, comme si elles étaient des célébrités. Elle a envie d’être regardée de cette manière, elle aussi. Bonnie s’installe près d’elle avec son matériel. Opal se laisse faire, tend son bras en suivant les gestes de Bonnie. « Oui la coach a dit que j’avais une bonne condition physique. Je n’ai pas trouvé que les exercices étaient difficiles. » La femme lui demande si elle sera capable de gérer le stress. Opal hausse les épaules. « Honnêtement je ne sais pas. Mes parents ont toujours fait en sorte qu’on ne soit pas sous pression. C’est en partie pour ça qu’ils ne voulaient pas qu’on aille à l’école, pour pouvoir travailler à notre propre rythme. Mais je crois que si ça me plaît, je serais capable de me donner à fond. Pour le moment je ne trouve pas les cours trop difficiles. Il faut juste que je me repère dans leurs progressions parce mes parents faisaient différemment. » C’est vrai que ça fait beaucoup de changements d’un coup. Mais Opal n’est pas d’une nature inquiète ou angoissée. Elle est optimiste, pense toujours que les choses vont bien se dérouler. « J’espère qu’on se reverra quand même mais pas pour quelque chose de grave. Vous êtes gentille. » Juste quelques mois à passer. Après elle aura son diplôme. Et le lycée sera déjà fini.

C’est étrange pour toi de parler de cheeleading, c’est un sujet courant à Hawkins, vous êtes dans une petite ville et comme dans toutes les petites villes, les sportifs du lycée ont une place importante dans la société même au-delà des bancs de l’établissement. Quand il y a un match, les parents se déplacent, les voisins, les nostalgiques, c’est un évènement et même si on jette moins de fleurs aux cheerleaders dans la journal du lendemain, il n’empêche qu’elles ont assuré le spectacle. Ca, tu dois bien le connaitre. Mais ce n’est pas ton délire, tu ne vas jamais aux matchs, tu n’y allais déjà pas à l’époque. Même si en écoutant Opal, tu sembles comprendre qu’elles sont changées. « N’abuses pas de la boisson dans ce cas. » Conseil de medecin ou simplement d’adultes, tu laisses le doute sur ce qui pourrait se passer. Le plus important c’est elle et les soirées, cela fait partie du jeu. Tu t’installes ensuite à ses côtés et tu commences doucement les divers contrôles tout en échangeant avec elle. « C’est un bon point, je ne sais pas ce qu’elle t’a fait faire mais bien souvent, les selections sont considérés comme difficile. » La coach testait ses danseuses, leurs capacités, leurs résistances et le fait qu’elle trouve cela simple était une excellente chose.

La demoiselle en face de toi semblait être une jeune femme très mature. Pour son âge, elle avait de la réflexion et elle était sincère, elle ne tentait pas de te baladant en te disant que le cheerleading était sa vie et que sans cela, elle ne tiendrait pas l’année. Non, elle te disait clairement qu’elle entrait dans un nouveau monde et qu’elle voulait tenter sa chance. Elle semblait avoir conscience de la difficulté de la chose. « Nous allons attendre les résultats de la prise de sang, je t’appellerais. » Tu lui souriais avant de reprendre. Tu avais assez peu de doute sur sa santé même si tu sais mieux que personne qu’une maladie peut facilement être invisible « Si cela te convient, on peut se revoir dans deux mois pour faire le point ? Voir comment tu te sens dans l’équipe ? » Tu avais envie de lui dire que c’était gagné, qu’elle avait réussi et qu’elle était cheeleader mais au-delà des résultats de la prise de sang, il fallait que tu prennes en compte la nouveauté, les cours plus le cheerleading, ca allait être beaucoup de stress et tu ne savais pas comment elle allait le gérer. « Dernière étape, tu es prête ? » La prise de sang, tu n’es pas sadique, tu n’es pas là, l’aiguille en l’air à attendre non, mais un coton pour nettoyer sa peau avant de piquer. « Ca va aller vite mais n’hésite pas à me dire si tu veux la radio ou si tu veux qu’on continue à parler. » Comme souvent, s’occuper l’esprit était la clé.