Aucune lampe n’est allumée. Dehors, le jour décline à petit feu, comme s’il craignait de laisser Orson s’oublier dans une obscurité engloutissante pour ne pas le retrouver au petit matin. De leurs tendres caresses réconfortantes, les derniers rayons embrasés d’un soleil somnolant perçaient les stores en stries lumineuses pour mieux éclairer les angles affaissés de son visage fatigué, et lorsque l’un a le malheur de flirter avec son regard, le jeune homme avachi dans le canapé s’anime soudain d’une irritation manifeste. Il grimace et ronchonne un peu, la voix rendue rauque par la cigarette dont les derniers mégots calcinaient tristement dans le cendrier posé devant lui. Puis il se replace, afin que les rubans lumineux qui rayaient son visage dans la pénombre épargnent ses pauvres yeux encore bouffis.

Devant lui, les bouteilles de bière ont trouvé leur sinistre place, collées les unes aux autres dans un chaos de verre. Au centre reposait le fameux cendrier d’où émanait une odeur âcre et envahissante. Les fenêtres sont fermées, étouffant la rumeur d’un centre-ville qui s’éteint lentement et glorifiant celle de la voix de Bowie qui s’élevait depuis le poste à quelques pas de lui. But the film is a saddening bore, for she's lived it ten times or more. Les lèvres du garçon demeurent scellées, elles que la musique galvanisait pourtant si aisément. Il ne fredonne pas les paroles suivantes, ne les articule même pas, convaincu qu’ouvrir la bouche ne ferait que lui brûler l’estomac enduit d’alcool. Puis au loin la porte s’ouvre, et une silhouette familière se détache soudain de la pénombre, enrubannée elle aussi de lumière et d’obscurité lorsqu’elle s’expose aux lueurs du couchant paisible. « Hey. » Orson le salue d’un doigt sur le front balancé avec négligence, puis indique du menton les bouteilles. « T’inquiète je vais ranger hein. » Dans sa voix grave retentissent les accents de la clope toute juste consumée, et lorsqu’il tente de se relever pour serrer l’épaule de son ami, il compte sur ses talents sportifs pour ne pas tituber, en vain. « Alors ta journée ? » Certains trentenaires trouvaient, en rentrant chez eux, une jeune femme pimpante et quelques bambins trainants ça et là, tous ravis du retour du patriarche. River, lui, se faisait accueillir par un Orson alcoolisé, dévasté par l’idée d’avoir détruit pour de bon ses relations familiales par un égoïsme primaire. Finalement vaincu par le tournis, il part se rasseoir, attrape une bouteille pour en extirper les dernières gouttes de bière qui lui tombent tristement dans la gorge. « T’as des trucs de dingue à raconter ou quoi ? » Il n’ose évoquer son échec. Lui, aujourd’hui, était censé refaire surface auprès des siens pour implorer leur pardon. Finalement, il avait laissé la boisson absorber ses peurs, en amie si fidèle qu’elle était depuis toujours, avec pour seul espoir la promesse du lendemain.