La nuit était déjà bien avancée et elle s'annonçait relativement calme. Le jeudi soir, il n'y a pas foule au Hideaway et mis à part les quelques piliers de comptoir et autres habitués, le service touchait vraisemblablement à sa fin. Ronny avait donc décidé qu'il ferait un saut chez son neveu, Billy. A l'improviste. Autant pour le plaisir de le revoir que pour vérifier que l'énergumène a un frigo rempli, des factures réglées et entretienne correctement sa "garçonnière". Sans angoisse ni anxiété, Ron délègue donc la fermeture du bar à l'un de ses employés. A lui le soin de vérifier le chiffre d'affaire, le fond de caisse et à faire en sorte que l'endroit soit prêt à son ouverture, demain matin. Ronny a la réputation d'être un patron exigeant, qui a les yeux partout et qui n'hésite pas à vérifier que la poussière est ôtée du néon suspendu au-dessus de la table de billard mais il est juste, équitable et chaque minute supplémentaire est payée comme il se doit. N'oublie de retirer ce pack de bières du stock, hein. lance-t-il à son responsable désigné de ce jeudi en baissant les yeux sur le petit carton qu'il tient à la main. Et avant de fermer, régale tes collègues d'infortune avec les snacks qui expirent demain. Le temps de saluer les derniers clients de qui il est devenu proche, un ultime regard sur les lieux et son équipe réduite du jeudi soir et Ronny sort rejoindre sa Plymouth. Posant le carton de bières sur le siège passager, il jette un oeuil à sa montre, réalise qu'il a tout juste le temps de faire un saut chez lui pour se doucher, se changer et filer chez Billy...en espérant que ce papillon de nuit soit chez lui...sinon, ça va chier des bulles carrées.

Pour rien au monde, Ronny ne retournerait dans un mobil-home. Non pas que l'endroit soit peuplé uniquement de mauvais souvenirs, il se souvient de tas de bons moments dans celui qu'il partageait avec Billy, mais il faut croire que la cinquantaine bientôt sonnée, il apprécie plus le confort d'une vraie maison, sans températures infernales en plein été et sibériennes quand l'hiver est là. Billy, lui, c'est là qu'il a choisi de vivre et Ron ne peut s'empêcher d'ajouter "pour l'instant" car il espère une vie meilleure que la sienne pour le gamin.
Le carton de bières sous un bras, un rouleau de papier glacé dans sa main libre, Ron tambourine à la porte. Trois coups brefs qui génèrent - comme d'habitude - un remue-ménage dans le mobil-home. Course brève. Trucs qui tombent au sol. Chapelet de jurons précédant un "j'arrive tout d'suite" avec une vision toute relative de l'expression "tout de suite". Un sourire amusé flotte sur les lèvres de Ronny qui secoue la tête en silence laissant à son futur hôte nocturne encore quelques secondes pour planquer "ce-qui-ne-doit-pas-être-vu" Enfin, la porte s'ouvre sur le visage de Billy encadré d'une tignasse hirsute qu'il s'empresse de discipliner en y glissant les doigts des tempes jusque derrière les oreilles. Les yeux de Ron se portent au-dessus de l'épaule de son neveu, se plissent soupçonneux. T'en avais du bordel à planquer, dis donc... lâche-t-il sans perdre son sourire. Puis, il flanque entre les pognes du gamin une affiche roulée de papier glacé. Tiens! ça, c'est pour toi...pour embellir ton antre. Et ça... il lève à hauteur de regard le carton de bières je sens que ça va être surtout pour moi...pour ne pas faire gaffe au ménage qui est pas fait ou à la quantité de cochonneries que tu dois bouffer.